Brexit : quels scénarios sur la table ?

Après des mois de négociations intenses avec l’Union Européenne, et des tractations acharnées pour convaincre jusqu’au députés de son propre camp, c’est l’heure de vérité pour Theresa May. À la veille d’un vote crucial au Parlement, mardi 15 janvier, la cheffe du gouvernement britannique a rappelé combien il était important de ratifier l’accord de sortie de l’UE, sous peine de plonger le Royaume-Uni dans une situation « catastrophique ». Adoption, rejet, plan B, « no deal » : quels sont les différents scénarios « sur la table » ? Leurs conséquences ? Explications.

C’est un moment décisif qui s’annonce pour le Royaume-Uni. Après une reprise des débats au Parlement le 8 janvier, le vote final à la Chambre des Communes de l’accord de sortie de l’Union européenne (UE) négocié par Theresa May est programmé mardi 15 janvier. Ce vote qui devait initialement avoir lieu le 11 décembre dernier,  avait été reporté à la dernière minute par Mme May pour éviter une défaite annoncée.

Dans un ultime discours, la Première ministre britannique a exhorté ce lundi les députés de la Chambre des communes à donner une seconde chance à son accord de Brexit, avertissant que le fait de voter contre, mardi, pourrait entraîner à terme une dislocation pure et simple du Royaume-Uni. Un peu plus tôt, elle avait prévenu que le Royaume-Uni pourrait devoir renoncer à sortir de l’Union européenne (UE) si l’accord qu’elle a négocié avec Bruxelles n’était pas adopté par le Parlement de Westminster. « Je le dis aux élus de tous bords de cette chambre : quoi que vous ayez décidé, je vous prie, au cours des 24 heures qui viennent, de donner une seconde chance à l’accord » a-t-elle plaidé. « Certains à Westminster voudraient repousser voire même arrêter le Brexit et ils utiliseront tous les moyens pour y parvenir » a-t-elle déclaré dans son discours. Évoquant l’autre hypothèse, celle d’une sortie de l’Union Européenne sans accord (« no deal »), Theresa May a prévenu que cela entraînerait « d‘importantes perturbations à court terme » et a jugé que le meilleur moyen d’éviter un tel risque était de voter en faveur de son accord.

Un rejet de l’accord de sortie très probable

Theresa May réussira-t-elle à faire adopter par les parlementaires britanniques l’accord conclu avec l’Union européenne, pour sceller le divorce ? Sa tâche s’est encore singulièrement compliquée, ce mercredi 9 janvier, lorsque les députés de la Chambre des communes ont voté l’obligation pour la première ministre de présenter un plan B sous trois jours, en cas de vote négatif. Le vote sur l’accord de retrait semble très loin d’être acquis, malgré tous les efforts de la cheffe du gouvernement britannique pour convaincre les députés, y compris ceux de son propre camp, de soutenir le texte. Une vingtaine de députés conservateurs ont annoncé publiquement qu’ils voteraient contre cet accord, quarante-cinq autres qu’ils ne le soutiendraient pas, et vingt autres déclarent qu’ils ne sont pas satisfaits du texte, craignant que le Royaume-Uni ne reste trop aligné sur l’Union européenne. Étant donné que Theresa May ne dispose pas d’une majorité au Parlement, elle devra compter sur le soutien de l’opposition. La première ministre s’attend d’ailleurs à ce que l’accord soit  rejeté : une centaine de députés conservateurs (sur 317) et les dix députés conservateurs d’Irlande du Nord pourraient se joindre aux 256 travaillistes qui vont voter contre. Avec environ 360 voix sur 650, le « non » l’emporterait alors avec environ 55 % des suffrages.

Dans le Telegraph, lundi 14 janvier, une douzaine d’anciens ministres europhobes démissionnaires du gouvernement May, dont Boris Johnson, ont appelé à retoquer un accord « punitif et biaisé » et prônent ouvertement une sortie de l’UE sans « deal ». Face au risque d’impasse, à l’autre extrémité du Parti conservateur, des députés pro-européens cherchent à ouvrir la voie à un report de la date butoir de sortie, au-delà du 29 mars, permettant soit la recherche d’une majorité sur un autre accord plus proche de l’UE, soit un second référendum. Mais des sources européennes ont indiqué que si un tel report devait être accepté il serait strictement limité « à quelques semaines ou à quelques mois » seulement. « Cela n’a pas été demandé par les autorités britanniques« , a précisé de son côté la ministre française des Affaires européennes Nathalie Loiseau, également interrogée sur l’hypothèse d’un report de la date de départ du Royaume-Uni.

Quels sont les scénari envisageables ?

Dans l’éventualité peu probable où les députés britanniques se rallieraient ce mardi à la cause de Theresa May, il y aurait alors de fortes chances pour que le Royaume-Uni sorte de l’UE avec un accord, le 29 mars. L’hypothèse d’un rejet du texte à la Chambre des Communes devrait quant à elle entraîner un Brexit sans accord à cette même date. Les relations économiques entre le Royaume-Uni et l’UE seraient alors régies par les règles de l’Organisation mondiale du commerce et une multitude de contrôles douaniers et réglementaires devraient être mis en place en urgence. C’est le scénario redouté, aussi bien par Bruxelles et Londres que par les milieux économiques. Le rejet de l’accord fragiliserait alors Theresa May qui pourrait être confrontée à un vote de défiance au sein de son propre parti visant à la remplacer et à reprendre les négociations avec Bruxelles ou, au contraire, à faire aboutir un Brexit sans accord. La cheffe du gouvernement britannique pourrait aussi dans cette hypothèse démissionner d’elle-même, en cas de fort  rejet de l’accord négocié avec Bruxelles.

Devant les craintes qu’inspire un « no deal », le gouvernement britannique pourrait le cas échéant chercher à convoquer un second vote au Parlement. Ce qui impliquerait alors de nombreuses tractations entre l’exécutif et les députés pour obtenir finalement leur approbation. Theresa May pourrait également demander à Bruxelles de renégocier certaines dispositions de l’accord. Reste que pour l’Union Européenne, l’accord conclu avec les britanniques est « à prendre ou à laisser ». Ses dirigeants ont affirmé ce lundi, à la veille du vote, que « l’accord de sortie signé avec Londres ne peut pas être modifié ». « Comme vous le savez, nous ne sommes pas en position d’accepter quoi que ce soit qui modifie ou est contradictoire avec l’accord de sortie », indique une lettre signée par le président du Conseil européen Donald Tusk et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

L’hypothèse d’un second référendum ne peut également pas être exclue. La Première ministre a toujours fermement rejeté une telle consultation mais l’idée a gagné du terrain ces derniers temps au vu des résistances auxquelles se heurte son plan de sortie de l’Union Européenne. Reste que le soutien au Brexit semble être fissuré chez les Britanniques. Selon un sondage rendu public lundi 7 janvier, 59% des britanniques se sont déclarés en désaccord, 21% sans opinion et 18% seulement, pour l’accord arraché par Mme May. La mise en oeuvre d’un nouveau vote repousserait alors la date du divorce. Et même si une telle consultation avait lieu, rien ne dit qu’elle annulerait le Brexit, voté par 52% des Britanniques en juin 2016.

 

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