En réponse à la grogne des « gilets jaunes », le Premier ministre a annoncé ce mardi lors d’une allocution télévisée des mesures de sortie de crise. En particulier, un gel des hausses des tarifs de l’électricité et des taxes sur les carburants mais aussi une suspension du durcissement du contrôle technique automobile.
Envoyé en première ligne pour tenter de déminer le terrain, le chef du gouvernement a tenté ce mardi de trouver une sortie de crise plus de trois semaines après le début du mouvement des « gilets jaunes ». « Cette colère, il faudrait être sourd ou aveugle pour ne pas l’entendre. J’en mesure la force, la gravité (…). Cette colère prend sa source dans une profonde injustice », a déclaré le Premier ministre. « Mais aucune taxe ne mérite de mettre en danger l’unité de la Nation », a t-il souligné. Pour » jouer la carte de l’apaisement », Edouard Philippe a annoncé une série de mesures, en particulier, une suspension de six mois de la hausse des taxes sur le carburant prévue au 1er janvier prochain.
"Aucune taxe ne mérite de mettre en danger l'unité de la Nation", acte @EPhilippePM qui rappelle le lourd bilan des manifestations#GiletsJaunes pic.twitter.com/8toktutE9J
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Un moratoire sur les hausses de carburant
Il s’agissait là d’une revendication majeure des « gilets jaunes ». L’augmentation, prévue au 1er janvier, de la taxe carbone sur l’essence, le fioul et le diesel, point de départ de la grogne est suspendue pour une période de six mois. Deux autres mesures fiscales prévues sont aussi mises en suspens pendant six mois : la convergence de la fiscalité du diesel avec celle de l’essence, ainsi que la hausse de la fiscalité du gazole entrepreneur non routier. « J’annonce une suspension pendant six mois de la hausse de la taxe carbone, de la convergence diesel-essence et de la hausse de la fiscalité sur le gazole entrepreneur non routier. Elles ne s’appliqueront pas avant d’être débattues par toutes les parties prenantes. Il faut mettre en œuvre des mesures d’accompagnement. Si on ne les trouve pas, nous en tirerons les conséquences« , a indiqué le Premier ministre.
#GiletsJaunes : "Je suspends pour une durée de 6 mois ces mesures fiscales, elles ne s’appliqueront pas avant d’être débattues par toutes les parties prenantes", annonce @EPhilippePM. pic.twitter.com/eerWtbbcEK
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Le gel de la hausse du prix de l’électricité et du gaz
Le gouvernement s’est également engagé à geler les tarifs de l’électricité et du gaz, qui « n’augmenteront pas pendant l’hiver « . « Ces décisions, immédiates, doivent ramener l’apaisement et la sérénité dans le pays » et « permettre d’engager un vrai dialogue sur l’ensemble des préoccupations qui se sont exprimées ces dernières semaines », a ajouté Edouard Philippe. Le Premier ministre a assuré avoir « entendu l’inquiétude sur les modalités du contrôle technique, qui le compliquent et le rendent plus cher ». Le gouvernement renonce donc également provisoirement à l’alourdissement des conditions de contrôle technique sur les automobiles qui était prévu l’an prochain, afin de « trouver les justes adaptations ».
#GiletsJaunes annonces de @EPhilippePM "Les tarifs de l’électricité et du gaz qui devaient augmenter au début de l'année, n'augmenteront pas pendant l'hiver qui s'annonce." déclare le Premier ministre pic.twitter.com/j1RPzjLWZX
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Des mesures dont le coût total avoisinerait deux milliards d’euros pour les finances publiques, soit 0,1 point de PIB. Ce coût sera financé par des économies qui seront détaillées prochainement.
Une concertation du 15 décembre au 1er mars
Edouard Philippe veut également ouvrir « un large débat sur les impôts et les dépenses publiques « .Il faut plus de transparence sur les impôts en France », a indiqué le Premier ministre. « Nos impôts sont les plus élevés d’Europe, notre système fiscal est terriblement complexe et il est souvent critiqué parce qu’il serait injuste. Discutons des modifications qu’il faut lui apporter. « Si les impôts baissent, il faudra que les dépenses baissent », a-t-il ajouté.
– @EPhilippePM annonce une concertation dans les territoires "au plus près des Français" dès le 15 décembre et qui se terminera le 1er mars.#taxes #PouvoirdAchat #GiletsJaunes pic.twitter.com/8DOconfURz
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"Les Français ne veulent ni hausses d'impôts ni nouvelles taxes. Si les impôts baissent, il faudra que les dépenses baissent", explique @EPhilippePM, qui a aussi entendu "une demande de plus de services publics" dans certains territoires.#GiletsJaunes pic.twitter.com/qNCKQqwJVD
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« Le débat doit avoir lieu au plus près des Français », a-t-il insisté. Le chef du gouvernement promet une concertation qui « ne doit ressembler à aucune autre », réunissant « tous les Français qui souhaitent s’exprimer ». Ce débat doit débuter le 15 décembre et se terminer le 1er mars. Il se déclinera sous forme de « réunions locales« , de « conférences nationales thématiques« , « sites internet » ou encore « débats filmés« . La concertation locale sur la transition annoncée la semaine passée par Emmanuel Macron se tiendra du 15 décembre au 1er mars, a également précisé Edouard Philippe, en se disant « prêt à améliorer » et « à compléter » les « mesures d’apaisement » dévoilées par le Président de la république.
Un Smic net en hausse de 3%
Après avoir écarté de nouveau un éventuel coup de pouce du salaire minimum, le Premier ministre a insisté sur l’augmentation légale du Smic net au 1er janvier. « Nous constaterons une hausse de 3% du smic net au 1er janvier » soit l' »une des plus importantes de ces vingt-cinq dernières années », a indiqué Edouard Philippe. Un chiffre qui a a de quoi surprendre, dans la mesure où la revalorisation du Smic au 1er janvier devrait s’établir autour de 1,8%, à défaut de « coup de pouce » du gouvernement. Pour arriver à ce chiffre de 3%, Edouard Philippe a, en réalité, intégré dans son calcul plusieurs mesures déjà validées, dont les effets commenceront à se faire sentir début 2019. Ont ainsi été ainsi agrégés par l’exécutif, la disparition des cotisations salariales début octobre, et l’augmentation de la prime d’activité, portée au mois d’octobre de 531,51 euros à 551,51 euros.
"Les Français qui ont enfilé un gilet jaune aiment leur pays, ils veulent que les impôts baissent et que le travail paye. C'est aussi ce que nous voulons, ce sont aussi nos valeurs." @EPhilippePM affirme que le "#SMIC net connaîtra une hausse de 3% au 1er janvier". #GiletsJaunes pic.twitter.com/AcxhfJX5kO
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Les « gilets jaunes » dénoncent « des mesurettes«
L’exécutif espérait avoir trouvé la porte de sortie grâce au moratoire sur la hausse de la taxe sur les carburants. Mais les annonces du gouvernement n’ont semble t-il pas calmer pas la colère des gilets jaunes, qui les jugent à la fois insuffisantes et trop tardives. Porte-parole des « gilets jaunes libres, Benjamin Cauchy estime aussi que les annonces sont parfaitement insatisfaisantes. « Les Français ne sont pas des moineaux et ne veulent pas des miettes que leur donne le gouvernement. Ils veulent la baguette« , lance-t-il en soulignant qu’ils veulent un changement de cap dans la politique d’Emmanuel Macron.
Même son de cloche chez Eric Drouet, l’un des membres historiques les plus connus des « gilets jaunes », qui a appelé à « retourner à Paris » samedi, « près des lieux de pouvoirs, les Champs-Élysées, l’Arc de Triomphe, Concorde. » Ces mesures n’ont pas convaincu. (…) Un gel des taxes ne change rien aux conditions de vie dans l’immédiat « , dit-il.
"Tout le monde ira samedi, il ne faut pas lâcher", assure le gilet jaune Eric Drouet pic.twitter.com/AijVOJEry4
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Sur les réseaux sociaux, un appel au blocage général samedi ou encore un événement intitulé « Acte 4 Paris Insurrection! » appelle à bloquer les raffineries et les ports dès mardi, et à manifester samedi à Paris. De leur côté, les fédérations CGT et FO du secteur du transport routier ont appelé à la grève à partir de dimanche soir 22 heures et pour une durée indéterminée afin de défendre le pouvoir d’achat, qualifiant de « miettes » les mesures annoncées par le premier ministre.
Des annonces insuffisantes pour les oppositions
Le discours du Premier ministre a également suscité de nombreuses réactions dans le monde politique. Ses annonces ont été jugées insuffisantes par les Républicains qui réclamaient l’annulation des hausses sur les taxes. « Trop peu et trop tard« , a résumé le vice-président Les Républicains, Damien Abad lors des questions d’actualité à l’Assemblée. Un constat également partagé dans les rangs du Rassemblement national qui va jusqu’à s’interroger sur la durée choisie pour ce moratoire. La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen a ironisé sur les six mois de moratoire, « sûrement un hasard », au bout desquels se tiendront les élections européennes ».
« Il n’y a aucun changement de cap, aucun!« , a également déploré Olivier Faure. « Ce n’est qu’une suspension, il ne s’agit pas d’un abandon. Il s’agit surtout d’une mesure qui a simplement pour vocation de limiter la grogne en attendant les élections européennes« , a dénoncé le patron du PS.
Mesures du gouvernement : "Je ne vois aucun changement de cap, aucun !", proteste @faureolivier#QAG #DirectAN #GiletsJaunes pic.twitter.com/chlTGwvRwR
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Un constat partagé par la France Insoumise. « Le gouvernement pense pouvoir éteindre (le mouvement) par des astuces à l’ancienne. Il n’annonce toujours pas d’annulation de la surtaxe sur le carburant mais un simple report de six mois« , a indiqué son chef de file, Jean Luc Mélenchon. « Le gouvernement n’a pas pris la mesure du moment« , « une révolution citoyenne« , a t-il affirmé.
#GiletsJaunes « Le gouvernement n’a pas pris la mesure du moment. Il pense pouvoir l’éteindre par des astuces à l’ancienne. Reporter les décisions impopulaires après les élections et créer des comités Théodule pour bavarder » @JLMelenchon https://t.co/svGWTvFUkq
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La déclaration du Premier ministre
EN DIRECT | Déclaration du Premier ministre
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Publiée par Édouard Philippe sur Mardi 4 décembre 2018