A 90 jours du scrutin, le président français dévoile sa vision de l’Europe dans une tribune publiée simultanément dans les 28 états de l’Union. Brexit, préférence européenne, espace Schengen, banque du climat, bouclier social européen… En quatre pages et une dizaine de propositions articulées autour de trois valeurs qui font écho à sa propre campagne, Emmanuel Macron lance l’offensive en publiant un texte qui s’apparente à un programme électoral. Avec une « idée force » : « la renaissance européenne ». Ce qu’il faut en retenir.
A l’approche du Brexit et à trois mois des européennes, c’est aux « citoyens d’Europe » qu’Emmanuel Macron a choisi de s’adresser dans une tribune dévoilée lundi soir. Une lettre publiée en 24 langues dans plusieurs quotidiens français et simultanément dans les 28 pays de l’union. « Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence », dramatise le président en préambule de sa tribune. « Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger. » Dans ce contexte, les élections », ajoute-t-il, « seront décisives pour l’avenir de notre continent ».
Sortir du » piège du statu quo et de la résignation »
Emmanuel Macron adresse une mise en garde contre la tentation du « repli » ou de la « résignation« . « Le repli nationaliste ne propose rien, c’est un rejet sans projet et ce piège menace toute l’Europe : les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire », fustige-t-il. « Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions : la liberté, la protection et le progrès », écrit le chef de l’état, qui avance une dizaine de propositions, dans le « droit fil » de son discours de la Sorbonne de septembre 2017 .
Organiser une « conférence pour l’Europe
« Afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique« , Emmanuel Macron souhaite la tenue d’une « Conférence pour l’Europe » sans tabou, y compris sur la question de la révision des traités, d’ici à la fin de l’année, réunissant les représentants des institutions européennes et des États. Cette conférence, poursuit le président, devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels, et « définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités ».
Remettre à plat l’espace Schengen
Au chapitre des libertés, Emmanuel Macron plaide pour la « remise à plat de l’espace Schengen« . Il propose dans ce cadre l’idée l’idée d’un office européen de l’asile et l’instauration d’une police des frontières commune, et, comme il l’avait proposé dans son discours de la Sorbonne, un office européen de l’asile. « La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen (… ) Je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières (…) Aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège », dit le président. A la clef également, un Conseil européen de sécurité intérieure qui serait chargé du contrôle des frontières, de la solidarité européenne concernant les migrants et du respect des mêmes règles s’agissant de l’asile.
Instaurer la « préférence européenne »
Une Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui défend mieux ses entreprises via la juste concurrence. Emmanuel Macron souhaite sanctionner ou interdire dans l’Union les entreprises qui mettraient à mal les valeurs ou les intérêts européens. Il appelle pour cela à « réformer » la politique de concurrence en vigueur dans l’UE et souhaite instaurer « une préférence européenne« . « Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence », estime-t-il, appelant à « sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles ».
Autre proposition du chef de l’État, la régulation des géants du numérique. par la création d’une instance de supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…) « Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. » « Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence », précise également Emmanuel Macron. Le chef de l’état appelle enfin « financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des Etats-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle ».
Financer la transition écologique par une « banque européenne du climat »
Autre point fort de la tribune, l’engagement du chef de l’état en faveur de l’environnement. Emmanuel Macron appelle l’Union Européenne à prendre la tête du combat écologique, en proposant la création d’une banque européenne du climat pour financer la transition écologique, ainsi que d’une force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments. Il prône aussi l’évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé « contre la menace des lobbies« . Le président français propose par ailleurs que l’Europe se fixe l’objectif de réduire de moitié sa consommation de pesticides d’ici 2025 et vise le « zéro carbone » en 2050.
Ouvrir la voie à un salaire minimum européen
Le président de la République plaide pour l’instauration »pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement. » Il appelle ses partenaires européens à définir un « projet de convergence plus que de concurrence » sur ce volet social, pour « retrouver l’esprit de progrès« .
Aucun chiffrage de ces propositions n’est avancé. Cela n’est pas un manifeste mais une contribution au débat, assume un conseiller du président, pour qui « Emmanuel Macron plante le décor de la campagne européenne » . De fait, ses conseillers ont beau s’en défendre, cette tribune ressemble à s’y méprendre à un programme électoral.
Le texte intégral.