La réforme de l’assurance chômage en « ordre de bataille »

Deux décrets publiés au Journal Officiel le 28 juillet mettent en musique la réforme vaste et controversée de l’assurance chômage. Ouverture des droits, calcul de l’indemnisation, instauration d’un bonus-malus sur les contributions des employeurs dans certains secteurs, extension du droit en cas de démission… Décryptage des principales nouveautés qui entreront en vigueur entre novembre 2019 et avril 2020.

C’est désormais officiel. Le décret mettant en musique la vaste réforme de l’assurance chômage annoncée le 18 juin par le gouvernement a été publié au Journal Officiel, dimanche 28 juillet. Un texte de six articles, comportant surtout une annexe de 190 pages qui constitue le nouveau règlement de l’assurance chômage. Ce décret fixe le nouveau cadre du régime. A la fois, les nouvelles conditions d’ouverture de droits qui s’appliqueront dès le 1er novembre prochain, et les règles de calcul de l’allocation pour les personnes  travaillant de manière fractionnée, qui entreront en vigueur en avril 2020. Il met également en place, une dégressivité de l’indemnisation pour les hauts revenus, et un bonus malus visant à pénaliser dans certains secteurs, les entreprises qui ont un recours excessif à l’intérim et aux contrats courts.

Des conditions d’accès durcies

Comme annoncé, le nouveau règlement modifie la durée minimale de travail exigée pour l’ouverture de droits au chômage. A partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé  plus longtemps pour prétendre à des allocations :  six mois (soit, 130 jours ou 910 heures) sur les 24 derniers mois, au lieu de quatre mois sur les 28 derniers. En conséquence, la durée minimale d’indemnisation passe elle aussi de quatre à six mois. La durée maximale reste pour sa part de deux ans pour les moins de 53 ans, deux ans et demi pour les 53-55 ans, trois ans pour les plus de 55 ans. A partir du 1er novembre 2019, le seuil à partir duquel les droits à chômage se rechargent est également relevé : il faudra avoir travaillé au minimum six mois, au lieu d’un seul actuellement, pendant sa période d’indemnisation, pour pouvoir prolonger celle-ci de l’équivalent du temps travaillé.

Une baisse de l’allocation pour les « permittents »

Le règlement modifie les règles d’indemnisation des « permittents », c »est-à-dire, les personnes ayant travaillé de manière discontinue. Ceci « afin de mieux prendre en compte la moyenne des rémunérations antérieures perçues sur la période de référence« . Aujourd’hui, la durée d’indemnisation est calculée sur le nombre de jours travaillés pendant la période de référence. À partir du 1er novembre, cette durée sera égale au nombre de jours calendaires, travaillés ou non, à partir du premier jour d’emploi pendant la période de référence et jusqu’au terme de celle-ci. Les personnes ayant travaillé de manière fractionnée pendant leur période d’affiliation (en alternant CDD courts et inactivité) auront ainsi une indemnisation potentiellement plus longue, mais d’un plus faible montant mensuel. En effet, à partir du 1er avril, le « salaire journalier de référence », qui constitue la base de calcul de l’allocation-chômage, sera obtenu en divisant les salaires de la période de référence par l’ensemble des jours à partir du premier jour d’emploi, et non plus les seuls jours travaillés.

Une dégressivité pour les hauts revenus

Les salariés qui touchaient un revenu du travail supérieur à 4.500 euros brut par mois verront leur indemnisation réduite de 30% au début du 7e mois d’indemnisation, avec un plancher à 2.261 euros net. Les salariés âgés de 57 ans ou plus ne seront pas concernés par la mesure. Le plafond de l’indemnisation maximale restera quant à lui fixé à 6.615 euros net.

Un système de « bonus-malus » pour les contrats courts

Officiellement baptisé « taux de contribution modulé« , le bonus-malus instauré vise à pénaliser les entreprises de plus de 11 salariés relevant d’un secteur d’activité « à taux de séparation très élevés« , c’est-à-dire recourant beaucoup à l’intérim et aux contrats courts. Lors de la présentation de la réforme de l’assurance chômage, le Gouvernement a précisé que, dans un premier temps, 7 secteurs sur les 38 définis par l’Insee seraient concernés. Cette liste doit toutefois être confirmé par arrêté :

  • hébergement-restauration;
  • transports et entreposage ; 
  •  fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac ;
  • autres activités spécialisées, scientifiques et techniques ;
  • production et distribution d’eau-assainissement, gestion des déchets et dépollution ;
  • fabrication de produits en caoutchouc et en plastique, et d’autres produits non métalliques
  • travail du bois, industrie du papier et imprimerie.

En moyenne, les entreprises de ces secteurs ont un taux de séparation (nombre de séparations dans l’entreprise, qu’il s’agisse de la fin d’un CDD, d’un CDI ou d’un contrat d’intérim, divisé par son effectif) très élevé, débouchant à un ratio de plus de trois contrats courts pour deux CDI. Pour chaque entreprise, ce taux de séparation sera comparé en 2021 au taux médian du secteur sur la période 2019-2020. Selon cet écart, à partir « d’un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’emploi pour une période de trois ans« , l’entreprise verra sa cotisation varier entre 3 et 5,05 % de sa masse salariale, contre 4,05% aujourd’hui.

Des droits ouverts aux démissionnaires et aux indépendants

Un deuxième décret publié le 28 juillet ouvre des droits à l’assurance chômage aux salariés démissionnaires ayant travaillé dans la même entreprise au cours des cinq dernières années. Cette indemnisation sera toutefois conditionnée à la poursuite d’un « projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’une entreprise ». Ce projet devra être évalué par « la commission paritaire interprofessionnelle »(successeur du Fongecif) de la région du salarié, qui jugera de la « cohérence du projet de reconversion », la « disponibilité et la pertinence de la formation identifiée, la pertinence des modalités de financement envisagées ». En cas d’acceptation, le salarié aura six mois pour déposer une demande d’allocation de chômage.

Les indépendants bénéficieront eux d’une allocation forfaitaire (800 euros par mois pendant six mois) en cas de liquidation judiciaire. Mais l’activité professionnelle devra avoir généré un revenu minimum de 10 000 euros par an sur les deux dernières années avant la liquidation.

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