Le nouveau visage de l’Europe : La recomposition politique du continent

Le scrutin du 26 mai 2019 a livré un parlement européen qui, sans marquer de grande révolution, confirme la recomposition de la scène politique européenne. Ce premier épisode vous propose de voir comment la fin de la domination historique du duo sociaux-démocrates du S&D et démocrates-chrétiens du PPE a entrainé de facto un rééquilibrage sans précédent au sein du Parlement européen. 

On prédisait pour ces élections, un raz-de-marée populiste : après la participation plus forte qu’en 2014, ce fût la seconde surprise de ce scrutin. Loin du tsunami annoncé, la vague populiste et extrémiste a été contenue. Certes, en France, la liste conduite par le Rassemblement National (RN) est arrivée en tête, de même qu’en Italie pour la Ligue du Nord de Matteo Salvini, en Pologne ou encore en Hongrie où le parti ultra-conservateur de Viktor Orban est arrivé très largement en tête. Mais les extrémistes europhobes ont connu de sérieuses déconvenues notamment face à une social-démocratie qui bien qu’à la peine, a finalement résisté. L’autre fait majeur de ces élections, est la déferlante « verte » à laquelle on a assisté dans plusieurs pays. En France, où la liste Europe Ecologie Les Verts (EELV) emmenée par Yannick Jadot a dépassé les 13 %, mais aussi en Allemagne où les Grünen ont doublé leur score de 2014 (20,9 %), devenant ainsi la deuxième force politique du pays.

L’élection du 26 mai dernier a enfin et surtout mis fin à la domination historique du duo formé par les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) et les sociaux-démocrates du S&D. Les premiers avec 179 sièges contre 217 auparavant, et les seconds avec 150 élus contre 186 dans le Parlement sortant, sont en effet les grands perdants de ces élections. Ils lâchent à eux, deux plus de 70 sièges au total et abandonnent  du même coup leur majorité absolue. Une première depuis 1979. Dans tous les cas, une situation qui a rebattue les cartes et entraîné de facto un rééquilibrage politique sans précédent au sein du Parlement européen.

Une nouvelle composition

Le Parlement européen est désormais divisé en 7 groupes politiques, au lieu de huit dans la précédente législature.

Le groupe des chrétiens-démocrates du PPE : forts de 182 députés représentant tous les Etats membres de l’Union Européenne (UE), à l’exception de l’Estonie et du Royaume-Uni, il s’impose comme le plus grand groupe du Parlement européen pour la période 2019-2024.

Le groupe sociaux-démocrates du S&D (154 sièges) : il réunit les sociaux-démocrates, les socialistes, les travaillistes et les démocrates membres de 26 Etats (hors Irlande et République tchèque). Même si cette alliance chute avec un score de 20,5% des sièges (154 sièges), contre 25% à la fin de la législature précédente, elle représente aujourd’hui le deuxième groupe du Parlement . 

Le groupe « Renew Europe » (RE) : issu de l’alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ex ADLE), rejointe par les élus français de la liste Renaissance (LaREM, Modem), il devient la troisième force politique au Parlement européen avec 108 députés issus de 22 pays. Les Etats membres les plus représentés au sein de ce groupe sont la France, avec 21 élus LaREM, le Royaume-Uni, l’Espagne et la Roumanie.

Le groupe des Verts/Alliance libre européenne (Verts/ALE) : il occupe près de 10% des sièges au Parlement européen (74 sièges, contre 52 sièges à la fin de la législature précédente). La délégation allemande y est la plus nombreuse, avec 25 députés, suivie des délégations française et britannique, avec respectivement 12 et 11 députés.

Le groupe d’extrême droite Identité & Démocratie (ID) (ex-ENL) : c’était la plus petite formation du Parlement européen lors de la législature 2014-2019, avec 37 eurodéputés. Le nombre de ses membres a presque doublé puisque le groupe compte aujourd’hui 73 eurodéputés, issus de 9 pays différents.

Les souverainistes du groupe CRE (62 sièges) : à la suite du scrutin du 26 mai, le CRE a perdu 13 sièges par rapport à la mandature précédente et ne compte que 62 eurodéputés. 

Le Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) : c’est  grand perdant de ces élections. Ne profitant pas de la situation délétère des socialistes, il a été rejoint par  seulement par 41 députés (contre 52 lors de la précédente législature), issus de 14 Etats membres. Le GUE/NGL devient ainsi le plus petit groupe du Parlement européen.

Le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) a disparu à l’issue du scrutin de mai 2019. Après l’appel au rassemblement lancé en avril 2019 par la Ligue de Matteo Salvini, il n’a pu se maintenir, faute de réunir des eurodéputés de 7 pays différents.

57 eurodéputés apparentés à aucun groupe politique, sont à ce jour « non-inscrits » Parmi ces non-inscrits, on trouve une majorité de Britanniques du Brexit Party (29), ainsi que 14 membres du Mouvement 5 étoiles italien. Y siègent également, une élue du DUP nord-irlandais, deux du Parti communiste grec ou encore deux du mouvement néo-nazi grec Aube dorée.

 

Les euro-députés français représentent au total soixante-quatorze sièges.

Une nouvelle donne

La physionomie du nouveau Parlement européen ressort bouleversée du scrutin du 26 mai, avec un fait inédit : la fin de la cogestion entre la droite (PPE) et la gauche (S & D). C’est l’un des enseignements majeurs de ce scrutin. Conservateurs et sociaux-démocrates pouvaient jusqu’à présent, grâce à une large coalition, compter sur leurs seules troupes pour faire adopter bon nombre de textes législatifs, se partager la présidence de l’hémicycle et peser  sur la direction de la Commission. Ce n’est désormais plus le cas.  Avec 182 élus pour le premier (PPE) et 154 pour le second (S&D), les deux groupes vont devoir désormais composer avec les libéraux de Reniew  Europe (108 sièges) et les Verts (74 sièges). Une nouvelle donne qui pèsera dans l’élaboration des politiques, avec la recherche permanente du consensus. Mais également, dans la composition de la Commission européenne.  Avec la fin de ce duo, le Parlement aura l’obligation de produire des décisions issues de plusieurs groupes associés. Ce qui sera plus complexe et éventuellement plus fragile. Même s’il est encore tôt pour anticiper ce qui sortira de ce nouveau Parlement, on peut s’attendre à une certaine réorientation de la politique européenne, en particulier du côté de l’écologie où  une évolution parait assez certaine.

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