Le premier rapport cinglant du Haut conseil pour le climat

Dans son premier rapport publié ce mercredi 26 juin,  le Haut Conseil pour le Climat dresse un premier constat sévère de l’action de la France pour réduire ses gaz à effet de serre et espérer atteindre la « neutralité carbone ». Le groupe d’experts mis en place en novembre dernier salue « des objectifs ambitieux » mais s’inquiète des « efforts insuffisants » . Il relève également que toutes les transformations socio-économiques profondes nécessaires pour y parvenir restent encore à être engagées. Transport, bâtiment, agriculture : l’action du gouvernement n’est pas à la hauteur pour le HCC.

La sentence est tombée et le constat est sévère : la France n’est pas sur la bonne voie pour lutter efficacement contre le changement climatique. C’est la conclusion sévère du premier rapport du Haut conseil pour le climat (HCC) sur l’évaluation des politiques publiques, remis ce mardi au Premier ministre, Edouard Philippe.

L’instance mise en place par Emmanuel Macron en novembre dernier, juge le dispositif actuel de lutte contre le changement climatique trop timoré au regard des enjeux, et adresse un certain nombre de recommandations au gouvernement. « La France n’est pas sur une trajectoire d’émission de gaz à effet de serre compatible avec ses engagements internationaux. Les premiers efforts fournis sont réels, mais ils sont nettement insuffisants et n’ont pas produit les résultats attendus. Ils n’engagent pas les transformations socio-économiques profondes nécessaires pour aller vers la neutralité carbone », explique en préambule du rapport la présidente du HCC, Corinne Le Quéré.

Des engagements « largement insuffisants« 

Le rapport pointe le fait que « les engagements pris jusqu’ici dans le cadre de l’accord de Paris en 2015 sont « largement insuffisants pour stabiliser le réchauffement climatique à venir ». Les objectifs nationaux, par exemple, ne sont pas atteints. « La baisse des émissions de 1,1% par an en moyenne pour la période 2015-2018 est beaucoup trop faible et très inférieure à la décroissance visée de 1,9% par an » précisent les experts. Le rythme de cette transformation est actuellement insuffisant pour le HCC, car les politiques de transition, d’efficacité et de sobriété énergétiques ne sont pas au cœur de l’action publique. Ainsi, « le 1er budget carbone fixé en 2015 et couvrant la période 2015-2018 a été dépassé, et la réduction réelle des émissions de GES, de 1,1 % par an en moyenne pour la période récente, est quasiment deux fois trop lente par rapport au rythme nécessaire pour la réalisation des objectifs« , note les experts. « Tant que la stratégie nationale bas-carbone restera à la périphérie des politiques publiques, les budgets carbone établis et la neutralité carbone ont peu de chances d’être atteints » concluent-ils.

Le HCC critique également la manière dont ces budgets carbone sont définis. « L’objectif de neutralité carbone en 2050 visé par la stratégie nationale bas-carbone révisée est cohérent avec les objectifs de l’accord de Paris et les dernières connaissances scientifiques, mais il ne couvre pas l’entière responsabilité de la France car les émissions liées aux transports aériens et maritimes internationaux et aux importations ne sont pas incluses », relève le rapport. Reste que comme le relève franceinfo « Les émissions des transports internationaux représentent 5% des émissions nationales en 2017 et les émissions nettes importées, elles, 60% des émissions nationales en 2015. »

Des changements structurels trop limités

Les experts du HCC dénoncent également l’insuffisance dans les changements structurels, c’est-à-dire les transformations de système d’infrastructures, les investissements en faveur de l’efficacité énergétique et les désinvestissements dans les filières qui émettent trop de gaz à effet de serre.

Dans le secteur des transports, le groupe d’experts pointe pour le transport de voyageurs une croissance de la demande et un retard dans l’électrification, et pour ce qui est du transport de marchandises,  un faible transfert vers le rail. « S’agissant du transport de marchandises et véhicules utilitaires légers, la trajectoire n’a pas évolué, soulevant la question de l’adéquation des politiques publiques avec les objectifs de décarbonation », relève le HCC.

Dans le secteur des bâtiments, le haut conseil met en exergue des « rénovations peu performantes », « un retard dans l’élimination des chauffages les plus carbonés » (fonctionnant au fioul domestique et au charbon) et, le nombre trop élevé de bâtiments non isolés. « Près de la moitié des logements en location du parc privé sont des passoires énergétiques », indiquent les experts. Le rapport note pour l’existant : « des rénovations peu performantes et un retard dans l’élimination des chauffages les plus carbonés« . « La qualité des rénovations énergétiques est très insuffisante pour atteindre l’objectif de 500 000 rénovations lourdes par an fixé par la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC1). C’est à dire la feuille de route qui a fixé en 2018, la politique d’atténuation du changement climatique.

Dans le secteur de l’énergie, le HCC estime pour la période 2015-2018, que la consommation de gaz a légèrement augmenté et que celle de pétrole a diminué mais deux fois trop lentement. « Seul le charbon a vu sa consommation décroître à un niveau proche de ce qui est attendu par la programmation pluriannuelle de l’énergie 1 (PPE1) », relèvent les experts. Pour ce qui est des énergies renouvelables, le Haut Conseil pour le Climat estime que les objectifs en termes d’énergies renouvelables ne sont que partiellement atteints, en particulier en ce qui concerne l’éolien en mer et du solaire. « Les retards les plus importants concerneraient le solaire et l’éolien en mer pour l’électricité, ainsi que la biomasse et le solaire thermique pour la chaleur renouvelable », détaillent les experts.

Une action publique à repenser

A l’appui de son rapport, le HCC formule un certain nombre de recommandations, dont le point commun est de placer l’action climatique au cœur des politiques publiques.

Intégrer les objectifs « bas carbone » dans les lois « hors climat » Pour que cette dernière soit cohérente avec les engagements climatiques de la France, les experts conseillent ainsi que les objectifs «  bas carbone » soient pris en compte dans les lois hors climat, et estiment que tous les projets de loi devraient être évalués à la lumière de leur impact sur l’environnement. « Les objectifs bas-carbone ne sont pas pris en compte dans les lois hors climat, qui ont un impact potentiel majeur sur les émissions de GES, aussi bien que les lois climat », notent-ils.

Relancer la hausse de la taxe carbone  Le Haut Conseil pour le Climat souhaite aussi le reprise de la hausse de la taxe carbone, interrompue par le gouvernement Philippe afin de répondre à la colère des « gilets jaunes ». Pour le HCC cet outil reste l’un des plus efficaces pour favoriser la transition bas-carbone de nos modèles, à condition d’adapter « son assiette, ses modalités et les mesures d’accompagnement  » qui « doivent faire l’objet d’une réflexion approfondie« . Le HCC conseille en particulier :

  • de corriger les effets régressifs de cette taxe et d’aider les ménages les plus vulnérables, au travers des primes à la conversion calculées en fonction des revenus,
  • d’instituer une transparence totale sur l’utilisation des recettes de cette taxe, par exemple à travers la Convention citoyenne.

Supprimer les subventions aux énergies fossiles « Dans le cadre du G7, la France s’est engagée à supprimer au plus tard en 2025 l’ensemble de ses subventions aux énergies fossiles. Cet engagement est cohérent avec la transition bas carbone. Toutefois, la trajectoire du montant des subventions aux énergies fossiles en France est préoccupante » note le HCC. « Dans le cas de la France, ces subventions prennent principalement la forme d’exonération fiscale comme le remboursement des taxes de carburant aux transports routiers. Il s’agit donc de supprimer ces exonérations fiscales tout en accompagnant les entreprises et les ménages impactés par ces suppressions » conclut-il.

Dans un communiqué mardi soir, le Premier ministre Édouard Philippe a répété que la lutte contre le changement climatique est « une priorité du gouvernement » tout en reconnaissant que l’action doit « être amplifiée au regard de l’urgence« . Rappelant que la présidente du Haut conseil pour le climat sera auditionnée lors du prochain Conseil de défense écologique, il assure que le gouvernement « présentera à cette occasion les premières réponses et les suites qu’il compte donner aux recommandations du Haut conseil, dont certaines seront prises en compte dès l’examen parlementaire du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ».

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Le rapport du HCC « Agir en cohérence avec les ambitions »

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