Loi d’habilitation : le projet de loi présenté en Conseil des ministres

 

Transmis pour avis au Conseil d’État le 14 juin dernier, le projet de loi d’habilitation est examiné ce mercredi en conseil des ministres. Assez court et très synthétique, le texte définit les contours de la réforme du Code du travail. Au menu, des pistes déjà connues qui figuraient dans le programme de campagne d’Emmanuel Macron, mais aussi quelques surprises. Les principales mesures.

C’est donc ce mercredi 28 juin, deux semaines jour pour jour après sa transmission au Conseil d’État, que va être dévoilé dans sa « version finale », le projet de loi d’habilitation qui va servir de cadre à la réforme du travail. Un texte relativement court de six pages, qui comprend neuf articles synthétiques. L’exécutif sollicite par ce biais l’autorisation du Parlement pour légiférer sur des thématiques qui relèvent en temps normal du domaine de la loi. Plus simplement, il s’agit d’un « feu vert » qui lui est donné pour procéder à la réforme par ordonnances du Code du travail. Par nature, ce texte ne fait donc que délimiter les points sur lesquels le gouvernement entend modifier la législation actuelle, sans plus de précisions. Les détails des ordonnances qui seront prises d’ici le 21 septembre, seront arbitrés à l’issue des négociations avec les syndicats prévues cet été.

Des réformes connues et quelques surprises

Certaines des mesures évoquées dans ce projet de loi sont connues depuis la Présidentielle. Sans entrer dans les détails, Emmanuel Macron  en avait en effet exposé les grandes lignes lors de sa campagne. Des orientations que l’on retrouve dans le document présenté en conseil des ministres. C’est notamment le cas des dispositions permettant aux entreprises de négocier des accords le plus largement possible ou encore, du plafonnement des indemnités prud’homales, l’un des points sur lesquels le gouvernement s’en tient strictement aux mesures déjà annoncées par le Président.

Cette version finale du texte n’en réserve pas moins des surprises par rapport aux annonces de campagne : la redéfinition du périmètre géographique du licenciement économique au niveau d’un groupe, l’extension du contrat de projet ou encore, la révision par accord de branche des règles qui régissent le recours aux CDD et à l’intérim. Autant de sujets sensibles qui pour le moment, n’ont pas encore été abordés avec les partenaires sociaux. Ils ne le seront qu’à partir de mi-juillet, pendant la dernière phase de concertation. Du côté de Matignon, on est très clair, en indiquant qu’il faut se fermer le moins de portes possibles, pour avoir la souplesse de négocier.

Contrat de travail et conditions de rupture

Ce sujet éminemment sensible est traité à l’article 3 qui inclut des mesures « de poids », dont certaines n’ont encore jamais été débattues avec les syndicats. L’objectif étant de « renforcer la prévisibilité » donnée aux employeurs, lorsqu’ils mettent fin à la relation avec leurs salariés.

Licenciement économique dans une filiale d’un groupe international

Afin de favoriser l’arrivée d’entreprises étrangères, le texte dans sa version actuelle propose de modifier le périmètre géographique pris en compte pour apprécier les difficultés d’un groupe international qui licencie dans une de ses filiales située en France. Actuellement, c’est la santé du groupe au niveau mondial qui est considérée. La France fait à ce titre exception, la plupart des autres pays retenant comme périmètre, le territoire national et l’entreprise, voire l’activité à laquelle le poste est rattaché. Le projet de loi entend modifier ce zonage, sans toutefois définir le nouveau périmètre retenu : doit-il être limité à la France ? Élargi à l’Europe ? Édouard Philippe, le Premier ministre, est resté très flou sur le sujet, évoquant à plusieurs reprises la nécessité de « ne pas faire fuir les investisseurs du territoire national ».

« Barémisation des indemnités prudhommales »

Le projet de loi d’habilitation confirme sur ce point le programme de campagne d’Emmanuel Macron. Comme prévu, il prévoit en cas de licenciement abusif, « des planchers et des plafonds obligatoires » de réparation aux prud’hommes. Sauf exceptions (licenciement résultant d’une discriminations, de faits de harcèlement), le juge ne pourra donc pas aller au-delà, même s’il estime que le montant maximal ne suffit pas à réparer le préjudice.

Des délais de recours contentieux réduits

Toujours dans le souci de donner de la « visibilité » aux employeurs, le projet de loi prévoit de réduire les « délais de recours contentieux en cas de rupture du contrat de travail ». Un salarié a aujourd’hui un an pour contester un licenciement devant les prud’hommes. Cette période serait revue à la baisse, sans que l’on sache de combien.

Le recours étendu aux CDI de projet

L’autre grand volet de cet article 3 concerne l’assouplissement des règles applicables à « certaines formes particulières de travail ». En premier, la possibilité d’étendre à de nouveaux secteurs, « par accord de branche ou, à défaut, à titre expérimental », les contrats de projet pratiqués dans le BTP (dits contrats de chantier). Elle permettrait la conclusion de CDI pour la durée d’une mission, dans toutes les entreprises, suivant les projets à mener. Il s’agit là d’une vieille requête du Medef, qui demandait l’extension du recours à ce type de contrat, plutôt que de pouvoir négocier par branche ou entreprise les motifs qui justifieraient un licenciement économique.

Le texte prévoit par ailleurs la possibilité d’adapter  » par convention ou accord collectif de branche« , les règles qui régissent le recours aux CDD et à l’intérim, aujourd’hui strictement encadrées par la loi. Cela vaut notamment tant, pour les motifs de recours à ce type d’emploi, que pour leur durée, le nombre de renouvellement pour un même salarié sur un même poste, qui deviendraient négociables. Il entend enfin consolider la sécurité juridique des accords collectifs autorisant le travail de nuit « en leur faisant bénéficier d’un régime de présomption de conformité à la loi « , sous le contrôle du juge.

Ce second volet constitue l’autre surprise de ce texte. Aucun des sujets sensibles qu’il aborde n’a en effet été discuté avec les partenaires sociaux. Ils ne le seront qu’à partir de mi-juillet, pendant la dernière phase de concertation.

Primauté des accords d’entreprise

Un thème majeur traité à l’article premier du projet de loi. Sans surprise, celui-ci  dispose que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi afin « de reconnaître et attribuer une place centrale à la négociation collective d’entreprise dans le champ des relations individuelles et collectives de travail applicable aux salariés de droit privé « . L’exécutif définira ainsi :

  • « les domaines dans lesquels la convention d’accord d’entreprise ne peut comporter de clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels » ;
  • les domaines »dans lesquels les conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels peuvent stipuler expressément s’opposer à toute dérogation, par convention ou accord d’entreprise » ;
  • ceux enfin où la négociation d’entreprise prime, et ce, «  y compris dans certains domaines réservés à la branche par la loi « . Un point pour le moins obscur, envisagé par le ministère du Travail dans le document de la DGT, sans plus de précisions.
Le gouvernement entend ainsi préciser quels thèmes relèveront de la prérogative exclusive de la branche et lesquels dépendront de l’entreprise. Six sont aujourd’hui dans son « pré carré » : les minima salariaux, les classifications des métiers, la protection sociale complémentaire, la formation, la pénibilité et l’égalité professionnelle. La branche peut décider de les verrouiller, afin que les entreprises n’y touchent pas par accord collectif. Depuis l’entrée en vigueur de la loi travail, en août 2016, elle ne peut toutefois bloquer ce qui concerne le temps de travail. Le projet de loi ouvrant le champ de l’interdiction de verrouiller à tous les domaines, ces dispositions seront-elles préservées ? Le texte ne le dit pas.  Ce sont les négociations qui sont en cours qui le préciseront.

La fusion des institutions représentatives du personnel

Comme prévu, le projet de loi prévoit de fusionner le comité d’entreprise, le CHSCT et les délégués du personnel en une instance unique, dans toutes les entreprises. Sans plus de précisions, toutefois.

Consultation des salariés et implantation syndicale

Le référendum à l’initiative de l’employeur

Emmanuel Macron avait annoncé lors de sa campagne, vouloir changer les règles de ce dispositif qui permet de s’en remettre aux salariés pour faire passer des accords, même s’ils n’ont recueilli le soutien que de syndicats minoritaires. Reste que le projet de loi est peu explicite sur ce point. Il prévoit certes dans son article premier de rendre plus aisées « les modalités de conclusion d’un accord, facilitant les conditions de recours à la consultation des salariés pour valider un accord ». Cela signifie t-il que le gouvernement se donne la possibilité d’autoriser les employeurs à organiser des référendums d’entreprise à leur initiative ? Une éventualités qui pourrait susciter l’hostilité des syndicats.

Des gages aux syndicats

Soucieux de donner des gages aux syndicats,  le gouvernement consacre l’article 2 du projet de loi à la mise en place d’une « nouvelle organisation du dialogue social dans l’entreprise« . Il prévoit ainsi de « favoriser les conditions d’implantation syndicale et d’exercice de responsabilités syndicales, applicables aux salariés de droit privé. » Il reprend par ailleurs dans  l’article 3, l’idée de « chèque syndical », développé pendant la campagne, en proposant de renforcer « le dialogue social, par la possibilité pour le salarié d’apporter au syndicat de son choix des ressources financées en tout ou partie par l’employeur« .

Afin d’inciter les travailleurs à adhérer en nombre aux centrales syndicales,  le projet de loi prévoit par ailleurs un certain nombre de mesures visant à mieux reconnaître les compétences des représentants syndicaux : le renforcement de leur formation, la promotion de la reconversion professionnelle des salariés exerçant des responsabilités syndicales ou un mandat électif de représentation, l’encouragement à l’évolution des conditions d’exercice de l’engagement syndical ou encore la reconnaissance du mandat électif et des compétences acquises en raison de cet engagement ». Il prévoit aussi de lutter contre « les discriminations syndicales. Le gouvernement entend enfin améliorer la représentation et la participation des salariés au sein des conseils d’administration et des conseils de surveillance des entreprises.

Posted in Ordonnances, Projets de lois and tagged , .

One Comment

  1. Pingback: La commission des affaires sociales de l'Assemblée adopte le projet de loi d’habilitation - L'ECHIQUIER SOCIAL

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *