L’Union européenne trouve un accord sur le travail détaché

Les ministres du Travail de l’UE sont parvenus lundi soir à un accord sur la réforme de la directive du travail détaché, à l’issue d’une réunion marathon qui a opposé Paris aux pays d’Europe centrale et orientale. Une première victoire pour Emmanuel Macron qui avait fait de ce dossier, une de ses priorités.

Au terme d’une négociation longue et complexe au cours de laquelle de nombreuses tentatives de compromis ont été mises sur la table, les 28 ministres du Travail de l’UE réunis à Luxembourg se sont accordés lundi 23 octobre sur la révision de la directive « travail détaché. » Seules la Pologne, la Hongrie, la Lituanie et la Lettonie ont voté contre le texte de compromis, tandis que la Roumanie, la Bulgarie, la Slovaquie et la République tchèque, rétifs aux modalités de cette révision, ont finalement basculé dans le camp français.

« Je voulais vous faire part de mes félicitations pour l’accord obtenu. Nous sommes parvenus à un accord équilibré« , a déclaré la Commissaire aux Affaires sociales, Marianne Thyssen à l’issue de la réunion.

De son côté, l’Elysée a salué dans un communiqué publié lundi soir, « une très bonne nouvelle pour l’Europe et ses citoyens ». « Grâce à cet accord les salariés détachés seront mieux protégés et leurs droits seront renforcés. Pour les entreprises, ce sont des conditions de concurrence plus équitables sur le marché intérieur« . Une avancée également saluée par le chef de l’Etat, sur son compte Twitter.

La réduction de la durée maximale de détachement

Jusqu’au bout, Paris s’est arc-boutée sur cette question dont le chef de l’État a fait un symbole, après avoir refusé de valider en juin dernier un accord européen quasiment acquis, qui recommandait une durée maximale de vingt-quatre mois. Le président français a obtenu gain de cause, mais a dû faire des concessions. L’accord prévoit ainsi un plafonnement de la durée du détachement à 12 mois, avec la possibilité de relever cette durée de six mois, à la demande de l’entreprise, sur décision du pays d’accueil.

L’alignement des rémunérations

« A travail égal, rémunération égale »  : c’est l’autre changement majeur prévu par l’accord qui consacre ce principe. Il garantit, non plus un « salaire minimal »  mais une rémunération qui englobe tous les éléments de revenus prévus par la loi et les conventions collectives. Ainsi,  par exemple, si le pays d’accueil prévoit une prime de froid, de pénibilité, d’ancienneté ou, un treizième mois, ces bonus devront aussi être versés aux salariés détachés. Ce qui n’était pas le cas jusqu’alors et qui faisait de l’écart de rémunération le principal facteur de dumping social. Une avancée qui devrait donc permettre de réduire ce risque, même si les cotisations sociales restent payées dans le pays d’origine.

Le renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes

L’autre avancée prévue par l’accord est l’obligation pour les candidats au détachement d’avoir été affiliés  3 mois minimum à la sécurité sociale de leur pays. La mesure est censée décourager les sociétés « boîtes aux lettres » qui n’exercent aucune activité réelle dans le pays d’origine et existent uniquement pour fournir de la main d’œuvre détachée. Des « coquilles vides » dans le viseur de Paris, qui fondent  leur activité sur les failles du système.

Une telle réforme ne peut également se faire sans un renfort de la lutte contre les fraudes. La France a donc plaidé pour un meilleur échange d’informations entre les systèmes de gestion sociale des pays membres et la possibilité d’un contrôle bilatéral. D’ores et déjà, la ministre du travail, Muriel Pénicaud a indiqué qu’un renforcement des contrôles aurait lieu :

  • au niveau national : grâce notamment à la signature dans les prochains jours, d’un accord de coopération avec plusieurs pays européens (Portugal, Pologne, Slovaquie, Hongrie, République tchèque), permettant d’effectuer des contrôles coordonnés dans les entreprises du pays d’origine ;
  • au niveau européen : la Commission ayant confirmé son souhait de proposer dès 2018 la création d’une Autorité européenne du travail permettant de vérifier l’application concrète des règles.

La concession faite au secteur routier

Pour parvenir à décrocher une majorité confortable, Paris a dû faire d’importantes concessions, et notamment « lâcher du lest » sur le secteur du transport routier. Un point particulièrement délicat, car le groupe de Visegrad, mais aussi l’Espagne et le Portugal, s’inquiétaient des conséquences négatives de la réforme sur leurs chauffeurs.

Selon l’accord conclu, la directive révisée ne concernera pas les transporteurs routiers comme le souhaitait Paris. Il est ainsi prévu de continuer à leur appliquer l’ancienne directive de 1996, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une autre directive actuellement en cours d’examen, qui fixera les règles spécifiques applicables à ce secteur. « Dans l’attente du paquet mobilité [le futur texte européen sur le transport], c’est la directive de 1996 qui s’applique, donc il y a zéro vide juridique », a assuré Muriel Pénicaud lundi soir.

Les transporteurs français qui se disent « sacrifiés » ont vivement réagi mardi, à rebours de la communication rassurante du gouvernement. Dans un communiqué commun les cinq syndicats représentatifs de la profession (CFDT, CGT, FO, CFTC, CFE-CGC) accusent le président de la République,  d’avoir exclu le transport routier des négociations. « Il est urgent d’arrêter d’opposer les travailleurs entre eux, et de ce point de vue, le renoncement du président français est une catastrophe« , écrivent-ils.

« Ce n’est pas acceptable« , les routiers restent « les salariés low-cost de l’Europe« , a réagi la CFDT-Route, premier syndicat en France. Même son de cloche à la CGT-Transports. Pour son secrétaire général, Fabrice Michaud, c’est « une sorte de bombe à retardement que le gouvernement a signée« , car l’accord « va accentuer le dumping social, c’est un très mauvais signal pour l’ensemble de la profession« .

De son côté, la fédération patronale OTRE  retient que « la position française se trouve de ce fait fragilisée » par un « accord historiquement scandaleux« . L’Organisation des transporteurs routiers européens dénonce dans un communiqué un « demi-accord, qui plombe une fois de plus une activité. » Deux autres fédérations patronales, la FNTR et TLF, se disent quant à elles, « vigilantes à ce qu’au niveau européen, les dispositions spécifiques permettent de rétablir une égalité de concurrence dans le secteur du transport routier de marchandises et que ces nouvelles dispositions spécifiques soient également parfaitement contrôlables ».

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