Le plan de réforme du travail de Macron

Dans son édition de ce lundi 5 juin, le quotidien Le Parisien dévoile l’avant-projet de loi « habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnances, des mesures pour l’emploi ». Une version de travail de dix pages datée du 12 mai 2017 qui liste huit réformes de fond intégrant des points qui pour certains, vont bien au-delà de la « feuille de route » présentée par Emmanuel Macron. Un document, dont le ministère du Travail dément toutefois la paternité dans un communiqué.

C’est pour l’heure un document de travail à date du 12 mai 2017, dont l’écriture est susceptible d’évoluer, que livre ce lundi Le Parisien.

« Un premier brouillon » dans lesquels sont énumérés tous les thèmes potentiels de réforme, comme l’indique dès l’introduction, une mise en garde. « Le nombre des ordonnances est «à ajuster selon les options retenues». Car tous les thèmes énumérés dans le «premier brouillon de cet avant-projet […] ne doivent pas forcément donner lieu à ordonnances». Il ne serait « ni possible ni souhaitable » d’adopter toutes ces réformes par ordonnances, précise le document. Ainsi, certaines réformes y sont indiquées comme « prioritaires » tandis que d’autres, rédigées en italique, « apparaissent comme moins prioritaires« .

Pour le moins, cette version de travail va bien au-delà du programme de campagne d’Emmanuel Macron. Parmi les ordonnances listées par ce document, certaines intègrent en effet des points jusqu’alors jamais évoqués par le nouveau président. Parmi ceux ci, le contrat de travail, la durée du travail, la santé ou encore, la sécurité des salariés… qui pourraient être négociés au sein de l’entreprise. Des éléments, qui ne seront pas toutefois nécessairement intégrés dans le document de travail qui va être transmis dans le courant de la semaine aux organisations syndicales et patronales.

Quels objectifs ?

Pour l’essentiel, l’avant-projet dévoilé ce matin reprend sous forme de trois priorités le programme de campagne du candidat Macron. Comment « tordre le cou » au chômage de masse qui frappe le pays depuis plus de 30 ans ? Comment enclencher « une évolution radicale du modèle économique » ? Comment établir dans une économie de mouvement, des relations sociales qui permettent de créer une « République contractuelle » ?

L’objectif majeur étant de « faciliter la création d’emplois grâce à une meilleure fluidité du marché du travail« , en faisant le « choix résolu du dialogue social de terrain, là où il produit des accords et des solutions économiquement et socialement efficaces« .

Un »agenda de réforme qui ne peut être mené en cent jours », comme le précise l’avant-projet de loi d’habilitation. Les premiers déclics de confiance devant être donnés rapidement, selon le texte.

Quel contenu ?

Le document de travail, dans son écriture actuelle, liste neuf projets d’ordonnances. La neuvième, purement technique, ayant pour objet transposer ces mesures dans certaines collectivités d’outre-mer.

     Ordonnance n° 1 : la négociation en entreprise

Cette première ordonnance prévoit d’attribuer une place centrale à la négociation collective, en particulier à la négociation collective d’entreprise, « en élargissant ses domaines de compétences et son champ d’action » dans les domaines suivants : contrat de travail, durée du travail, santé et sécurité au travail, salaire et dividende du travail… Une liste étendue qui permettrait de déroger par accord d’entreprise, bien au-delà de ce qui était prévu par la loi El Khomri, qui avait ouvert une première brèche en matière d’organisation du temps de travail.

       Ordonnance n° 2 : le barème prudhommal

Cette seconde ordonnance vise à « Instaurer un référentiel pour le montant de l’indemnité octroyée par le conseil des prud’hommes en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. » Une mesure réclamée « à corps et à cris » par les employeurs, qu’Emmanuel Macron tentera de faire passer pour la troisième fois. Inscrite dans la loi Macron de 2015, elle avait été retoquée suite à son annulation par le Conseil constitutionnel, puis, retirée de la loi travail, face à la mobilisation. L’avant projet de loi dans sa forme actuelle, prévoit d’instaurer « un référentiel », à savoir un  « plafond » et un « plancher » d’indemnisation , pour le montant octroyé par le conseil des prud’hommes, en cas de licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

      Ordonnance n° 3 : le référendum à l’initiative de l’employeur

L’objectif est de renforcer la capacité des employeurs à faire adopter un accord d’entreprise, en faisant évoluer ses conditions de validité. Aujourd’hui réservé aux seuls syndicats, (à condition qu’ils représentent au moins 30 % des salariés), le référendum d’entreprise serait ainsi ouvert aux employeurs, dans des conditions qui restent à fixer.

      Ordonnance n° 4 : le renforcement du rôle  des branches

Le document de travail prévoit à ce titre de « Redéfinir le rôle de l’accord de branche et réduire le nombre de branches. » Une mesure jugée toutefois « moins prioritaire ».

     Ordonnance n° 5 : la fusion des institutions représentatives du personnel

Afin de simplifier ces institutions, le texte prévoit la mise en place d’une instance unique de représentation, regroupant l’ensemble des attributions du comité d’entreprise, des délégués du personnel et du CHSCT. « Sauf avis contraire des entreprises concernées », précise le texte, ce qui sous entend que certaines entreprises pourraient continuer à fonctionner selon l’ancienne formule. Une ordonnance jugée toutefois « prioritaire ».

       Ordonnance n° 6 : le chèque syndical

Outre une formation renforcée pour les représentants des salariés, l’avant-projet prévoit l’instauration du chèque syndical promis par Emmanuel Macron dans son livre-programme « Révolution ». Selon le texte, il s’agirait de « permettre à chaque salarié d’apporter des ressources financées par l’employeur au syndicat de son choix« . Le gouvernement s’engage aussi à récompenser l’engagement syndical par la « reconnaissance dans les carrières » et la lutte contre la discrimination syndicale ». Autant de « grain à moudre » donné aux syndicats, pour « faire passer la pilule » de la fusion des institutions représentatives du personnel.

      Ordonnance n° 7 : les administrateurs salariés

Une mesure, qui selon le texte mise à mettre en place des incitations, pour une meilleure représentation des salariés dans les conseils d’administration.

     Ordonnance n° 8 : la réforme du régime d’assurance chômage

C’est sans aucun doute, la plus grosse surprise de cet avant-projet de réforme de l’emploi. La réforme du système d’indemnisation des demandeurs d’emploi et son étatisation sont en effet au menu des ordonnances. L’objectif étant de réformer via ce dispositif :

  • l’évolution du financement de l’assurance chômage et, notamment des cotisations des employeurs, afin de « permettre une modulation des taux des contributions des entreprises » ;
  • l’évolution de la gouvernance, de la gestion et de l’organisation de ce régime ;
  • l’extension de l’assurance chômage « financée par l’impôt », qui devient universelle et « ouverte à tous les actifs – salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs », précise le texte.

Un dossier explosif, qui pourrait contraindre Emmanuel Macron à sortir ce train de mesures du cadre des ordonnances. C’est en tout cas la demande formulée par la CFDT et la CGT.

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2 Comments

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