Présidence de la Commission européenne : l’impossible équation

Désignée à la tête de la commission européenne par les dirigeants de l’UE, après d’âpres négociations, Ursula Von Der Leyen, doit maintenant être adoubée par le Parlement européen. Or, à ce stade, rien n’est encore gagné pour la ministre allemande de la Défense. Seules les voix des conservateurs de son propre camp lui semblent acquises. Mais elles ne seront pas suffisantes

Le suspense pourrait perdurer jusqu’au vote final, mardi à 18 heures. Voire dans le scénario le plus extrême, jusqu’au mois de septembre. La candidate allemande prononcera, mardi à 9 heures, un discours décisif pour son avenir et censé convaincre une majorité de l’assemblée. Les députés se concerteront ensuite sur sa candidature, puis procèderont à vote à bulletin secret en fin de journée. Sans certitude toutefois quant au résultat final. 

 

Un vote semé d’embûches

Pour s’assurer la présidence de l’exécutif européen, Ursula von der Leyen doit obtenir la majorité absolue au parlement européen, soit 374 voix sur 747. Elle peut pour l’heure compter sur les 182 voix du Parti populaire européen (PPE), le groupe de centre-droit dont elle est issue, et sans doute sur celles des 108 membres du groupe Renew Europe (RE), formation à laquelle appartiennent les macronistes. Ces suffrages seront toutefois insuffisants pour atteindre la majorité absolue. La ministre de la Défense allemande va donc devoir séduire au-delà de la droite et des libéraux, notamment chez les socialistes du S&D, le deuxième groupe parlementaire. Mais leur soutien est loin de lui être acquis, les sociaux-démocrates allemands n’ayant toujours pas digéré l’éviction du Néerlandais Frans Timmermans.

Ironie de l’histoire, les eurodéputés du SPD, compatriotes de Mme von der Leyen et partenaires de coalition du gouvernement Merkel, sont les plus virulents contre sa candidature. Les sociaux-démocrates veulent avant tout qu’elle leur promette de poursuivre la politique sans concession du Néerlandais Frans Timmermans, l’un des leurs, vis-à-vis des pays qui violent l’Etat de droit, la Hongrie et la Pologne. Frans Timmermans doit rester le premier vice-président de la Commission comme s’y est engagée Ursula von der Leyen. Les socialistes prendront leur décision définitive après le discours de la candidate et ses réponses au Parlement mardi, ce qui ouvre la voie à toutes les tractations.

Les libéraux-centristes de Renew Europe (108 élus), formation à laquelle appartiennent les élus de la République En Marche, ne se sont pour l’instant engagés à rien. Du côté des Verts, la porte a été définitivement fermée mercredi soir après une audition de la candidate allemande. Pour les eurodéputés écologistes, deux raisons principales expliquent ce choix. D’abord, sur la forme : Ursula von der Leyen n’est pas eurodéputée. Les Verts dénoncent l’abandon du système de « Spitzenkandidat », qualifié de « trahison des électeurs européens » par l’eurodéputé belge et président du groupe écologiste, Philippe Lamberts. Sur le fond, la co-présidente du groupe Verts/ALE au parlement européen, Ska Keller a indiqué ce 10 juillet à l’issue de l’audition de la candidate : « Les déclarations d’Ursula von der Leyen étaient décevantes. Elle ne nous a livré aucune proposition concrète, que ce soit à propos de l’état de droit ou du climat. » « Nous avons été élus pour insuffler du changement et nous ne voyons pas comment ce changement pourrait advenir avec cette candidate« .

Quant au groupe d’extrême droite Identité et démocratie (ID, 73 sièges dans lequel siègent les élus du RN), hostile en principe à une candidate proeuropéenne, il pourrait décider de lui apporter son soutien, histoire de tester sa capacité de nuisance. « Ce serait, pour von der Leyen, le baiser de la mort » ironise un assistant de ce groupe.

Une campagne marathon

C’est pourtant une véritable « opération séduction » à laquelle s’est livrée la semaine passée la candidate, pour convaincre les députés européens. Elle a en effet multiplié les auditions au Parlement, y rencontrant non seulement les conservateurs du PPE, sa propre famille politique (182 élus), mais aussi les trois autres groupes les plus nombreux de l’hémicycle : les sociaux-démocrates (154 élus), les libéraux-centristes de Renew Europe (108 élus) et les verts (75 élus).

S’exprimant devant les parlementaires, Mme von der Leyen a  mis l’accent sur les questions environnementales, disant soutenir l’objectif de neutralité carbone européenne d’ici 2050 et souhaiter que l’Union se saisisse des opportunités économiques qui produira selon elle la transition vers des politiques favorables à l’environnement. Elle  s’est également prononcée en faveur d’un élargissement de la zone euro et de l’espace Schengen aux pays qui en remplissent les critères et a défendu l’idée d’un élargissement de l’Union européenne aux pays des Balkans. Sur la question du Brexit, la candidate allemande a souhaité que les Britanniques y renoncent mais, que dans le cas contraire, le divorce n’entrave pas la coopération future entre le bloc et le Royaume-Uni.

 

Afin de parvenir à convaincre une large part des 154 parlementaires du S&D, mais aussi des 108 libéraux centristes de Renew Europe (RE), de la soutenir, Mme Von der Leyen a transmis lundi une missive de huit pages aux eurodéputés socialistes, prenant plusieurs engagements relatifs à la politique qu’elle mènera si elle succède à Jean-Claude Juncker à la tête de la Commission.

Une crise en vue en cas d’échec

Si Ursula Von der Leyen obtient la majorité absolue des suffrages (50% des voix plus une) des députés lors du vote de ce mardi, elle sera alors la première femme à présider la Commission européenne. Dans le cas contraire, le Conseil européen aura un mois pour proposer un autre candidat. D’après Le Figaro, sans assurance de recueillir la majorité, l’élection de Mme von der Leyen pourrait être reportée à septembre. « Dès mardi, plusieurs sources affirmaient que le vote prévu à Strasbourg mardi 16 juillet pourrait être reporté au mercredi 17 juillet, voire à… septembre« .

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