Réforme de l’assurance chômage : une refonte du régime autour de trois priorités

 

Edouard Philippe et la ministre du travail, Muriel Pénicaud ont présenté ce mardi les choix du gouvernement pour réformer l’assurance chômage. Une vaste refonte du régime qui touche à la fois aux conditions d’indemnisation et à l’accompagnement des chômeurs et, à la responsabilisation des employeurs. La réforme repose sur trois priorités et quatre leviers. A la clé, un gain espéré d’économies de 3,4 milliards d’euros d’ici fin 2021.

L’arbitrage du gouvernement était pour le moins très attendu. Reste que la potion administrée s’avère particulièrement sévère, confirmant les appréhensions exprimées depuis plusieurs semaines par le patronat et les organisations syndicales. Le dispositif présenté comme le « troisième volet de la transformation du marché du travail », après la « loi Travail » et la réforme de l’apprentissage, vise 250.000 chômeurs de moins et quelque  3,4 milliards d’euros d’économies d’ici 2021, a annoncé Edouard Philippe. Il repose sur quatre leviers : la responsabilisation des employeurs, la lutte contre la précarisation, la création de nouveaux droits et une refonte de l’accompagnement des allocataires. Trois priorités sont dégagés par le gouvernement : « arrêter la course à la précarité« , « inciter les demandeurs d’emploi à reprendre un emploi stable » et « trouver des solutions partout sur le territoire« .

Les nouvelles règles

Les contrats courts « dans le viseur » du gouvernement

Alors que 90% des recrutements se font en contrats courts, le gouvernement veut inciter les employeurs a proposer davantage de contrats longs. Évoquant leur multiplication, Muriel Pénicaud a fustigé la « précarisation » des travailleurs, devenue selon elle un « mode de gestion des ressources humaines » chez certains employeurs. « La précarisation coûte cher »  a indiqué la ministre : « près de neuf milliards d’euros de déficit pour l’assurance chômage, a-t-elle précisé.

Pour pénaliser les entreprises qui recourent massivement à ce type de contrat, un bonus-malus sur les cotisations patronales d’assurance chômage sera mis en oeuvre le 1er janvier 2020 dans sept secteurs de l’économie, dont l’agroalimentaire (y compris boissons et tabac), l’eau et les déchets, l’hébergement et la restauration, la plasturgie ou encore le bois et papier. Le Bâtiment et la Santé, deux branches qui recourent pourtant beaucoup à ce type de CDD, échappent en revanche à la mesure. Celle-ci ne concernera également pas les entreprises de moins de onze salariés (les contrats d’apprentissage, de professionnalisation et d’insertion ne seront pas pris en compte dans ce calcul). Ainsi plus le nombre de salariés d’une entreprise qui s’inscrivent à Pôle Emploi au sortir d’un CDD de courte durée est élevé, plus le taux de cotisation patronale appliqué à l’entreprise sera fort. Inversement, les employeurs qui feront des efforts verront leur taux de cotisation réduit. Aujourd’hui fixé à 4,05% de la masse salariale (MS), ce taux pourra ainsi osciller entre 3 et 5% de la MS.

Afin de lutter contre l’explosion des CDD d’usage qui représentent chaque année selon la ministre du travail « huit millions de contrats sur les 37 millions de contrats d’embauche« , Edouard Philippe a annoncé qu’une contribution forfaitaire « de quelques euros » sera mise en place au 1er janvier 2020, pour favoriser l’allongements de ces contrats de courte durée, renouvelables indéfiniment, et sans délai de carence. D’un montant de 10 euros par contrat, cette taxe s’appliquera à tous les secteurs d’activité, à l’exception des secteurs du spectacle, de l’audiovisuel et de la production cinématographique, qui relèvent de règles particulières pour l’assurance chômage.

Des conditions durcies pour ouvrir et prolonger ses droits

La réforme durcit également les conditions d’accès à l’assurance chômage. Le seuil applicable aujourd’hui est ainsi relevé pour tenir compte de la baisse constante du chômage depuis deux ans. Il faudra désormais avoir travaillé six mois sur les 24 derniers mois, au lieu de 4 mois sur vingt-huit, pour prétendre à des droits.

Le principe de rechargement des droits créé par les partenaires sociaux en 2014 est en revanche maintenu (il permet de gagner deux jours d’indemnisation pour chaque jour travaillé). Mais le seuil minimum de rechargement est lui aussi durci. Il faudra désormais avoir travaillé six mois au lieu d’un pendant sa période de chômage pour voir son indemnisation prolongée d’autant. Cette mesure entrera en vigueur au 1er novembre prochain.

Une révision des règles d’indemnisation

Les règles d’indemnisation seront revues à partir du 1er avril 2020 de façon à ce qu’il ne soit plus possible de bénéficier d’une indemnisation chômage supérieure à la moyenne des revenus du travail. Le nouveau principe est « à travail égal, allocation égale« , a résumé Muriel Pénicaud. « Ça veut dire pour le même montant d’euros gagnés comme salarié pendant une période, cela doit donner droit à la même indemnisation en tant que demandeur d’emploi sur la même durée. » Les indemnités chômage seront donc calculées sur le revenu mensuel moyen du travail, et non sur les seuls jours travaillés comme aujourd’hui. Elles ne pourront jamais être inférieures à 65 % du salaire net mensuel moyen, ni supérieures à 96% de ce même salaire, « alors qu’aujourd’hui elles peuvent atteindre 200% dans certains cas », a souligné la ministre.

Une baisse d’indemnisation de 30% au bout de 6 mois pour les cadres

S’agissant de l’indemnisation des salaires les plus élevés, à savoir les cadres dont le chômage est de 3,8%, le Premier ministre a indiqué que le plafond de 7650 euros par mois sera maintenu. « Nous ne modifierons pas le plafond, mais nous allons instaurer une dégressivité simple, avec un seul palier à six mois« , a-t-il indiqué. Cette mesure ne touchera pas les chômeurs âgés de plus de 57 ans. En pratique, les demandeurs d’emploi dont le revenu du travail est supérieur à 4500 euros brut par mois, verront leur indemnisation réduite de 30% à partir du septième mois. Un plancher d’indemnisation de 2261 euros net est néanmoins prévu limitant l’impact de cette dégressivité pour ceux qui touchent une indemnité inférieure à 3200 euros.

Des droits nouveaux pour les « démissionnaires » et les « indépendants »

La réforme élargit les droits au chômage à de nouvelles catégories. Comme annoncé par le gouvernement lors de la première réforme en 2018, les salariés démissionnaires et les travailleurs indépendants pourront sous conditions, bénéficier de l’assurance-chômage à partir du 1er novembre 2019. Les premiers, à la condition d’avoir travaillé en continu pendant cinq ans (droit renouvelé tous les 5 ans) et de porter un projet, de création ou de reprise d’entreprise ou d’effectuer une formation/reconversion. Leurs droits à l’assurance chômage seront identiques à ceux des autres demandeurs d’emplois. Les seconds pourront quant à eux profiter de « l’assurance chômage sans cotisations supplémentaires« , pour un montant de « 800 euros par mois pendant six mois ».

Un accompagnement renforcé

La réforme tend enfin à refonder « l’offre d’accompagnement » des chômeurs. A partir du 1er janvier 2020, tous les demandeurs d’emploi qui le souhaitent auront ainsi droit, dans les quatre premières semaines qui suivent leur inscription à Pôle emploi, à deux demi-journées d’accompagnement intensif avec Pôle emploi. Plus de 1 000 nouveaux conseillers Pôle emploi seront recrutés pour mettre en place de nouveaux services d’accompagnement, mettant ainsi fin à trois années de diminution des effectifs de l’organisme public.

Le calendrier de mise en oeuvre de la réforme

Un décret reprenant les différentes mesures annoncées est attendu d’ici la fin de l’été, au mieux fin juillet, et plus certainement fin août ou début septembre, compte tenu des nombreuses consultations auxquelles sera soumis le texte. Les différentes mesures entreront ensuite progressivement en vigueur progressivement.

Trois dates sont à retenir :

  • le 1er novembre 2019 : ouverture de l’assurance-chômage aux démissionnaires et aux indépendants, durcissement des règles d’éligibilité, dégressivité à partir du 7e mois pour les salaires supérieurs à 4.500 euros brut ;
  • le 1er janvier 2020 : entrée en vigueur du  bonus-malus sur les contrats courts dans sept secteurs et de la taxation de 10 euros pour chaque CDD d’usage signé ;
  • le 1er avril 2020 : entrée en vigueur des nouvelles règles d’indemnisation.

 

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