Réformes sociales : ouverture de l’acte II

Après les ordonnances réformant le Code du travail, Emmanuel Macron lance ce jeudi le deuxième volet de ses réformes sociales, en s’attaquant à l’assurance-chômage, à la formation professionnelle et à l ‘apprentissage. Un acte II qui s’ouvre par la réception à l’Élysée des chefs de file des organisations syndicales et patronales.

Quatre mois après les premières rencontres sur les ordonnances réformant le droit du travail, le chef de l’État attaque le deuxième acte des réformes sociales. Au programme : réforme de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance chômage. Un premier tour de chauffe commencé ce jeudi par une série de tête-à-tête avec les représentants du patronat et des syndicats, qui se clôturera vendredi avec le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger.

La méthode
Sur le papier, la feuille de route est limpide. Comme il l’a fait pour la réforme du code du travail, le Président qui « ouvre le bal » de la concertation, passera le relais dès la semaine prochaine à Matignon, avant que la ministre du Travail Muriel Pénicaud,  ne reçoive les partenaires sociaux quelques jours plus tard. Le but du gouvernement est d’aboutir au dépôt d’un projet de loi au printemps prochain et, une adoption des réformes à l’été 2018.
Si les « trois chantiers » sont « liés et « contribuent à protéger chacun », selon Muriel Pénicaud, c’est la réforme de l’assurance-chômage qui risque de cristalliser les tensions. Et la question inquiète les partenaires sociaux, même si l’Elysée assure vouloir garder « un système qui indemnise bien ». Une de leurs craintes est que l’indemnisation des indépendants et des démissionnaires n’entraîne une baisse des allocations. Autre sujet de friction et non des moindres : le financement et la gouvernance du régime. Il ne serait en effet  plus uniquement financé par les cotisations, mais également par l’impôt (CSG), et il passerait d’une gestion paritaire par les partenaires sociaux à une gestion tripartite avec un pilotage de l’État. Un projet vilipendé  par Jean Claude Mailly et Philippe Martinez.

Le fil des entretiens

Laurent Berger (CFDT)

Le secrétaire général de la CFDT a clos ce vendredi matin la série d’entretiens bilatéraux d’Emmanuel Macron avec les partenaires sociaux. Laurent Berger a commencé par relayer auprès du chef de l’Etat « l’inquiétude des salariés et des adhérents de la CFDT sur la politique sociale » de l’exécutif, après  la réforme du Code du travail . Il a déploré que « les dispositions prises tombent souvent du mauvais côté, pas du côté de la justice sociale ». « Le moment de sécuriser les salariés est venu, si nous ne sommes pas entendus, il y aura des tensions », a-t-il averti.

Après s’être félicité que le « dossier formation » soit renvoyée à une négociation interprofessionnelle entre partenaires sociaux, Laurent Berger a demandé un changement de méthode par rapport à celle qui a prévalu pour la réforme du Code du travail. « Il faut que [le dossier] démarre par une multilatérale », a-t-il affirmé, soulignant que les partenaires sociaux « ont fait la preuve de leur responsabilité sur le sujet », qu’ils « n’ont pas démérité ». « On verra si nous sommes entendus », a-t-il déclaré, « nous ne sommes pas seuls à demander cela« .

Une position qui rejoint celle de Philippe Martinez qui la veille avait demandé l’organisation de « multilatérales «  réunissant représentants du gouvernement, syndicats et patronat. De même, François Hommeril, président de la CGC, avait estimé ce jeudi que le format de bilatérales exclusivement utilisé sur le Code du travail n’était « pas adapté ». A la différence du président du Medef, Pierre Gattaz, qui avait jugé que la formule permet de « discuter, d’avoir des idées ».

Laurent Berger s’est enfin déclaré « pour le maintien d’un système en partie basé sur la contributivité » et a rappelé qu’« une partie du déficit est liée au niveau historique du chômage et au fait que l’Unedic participe au financement de Pôle emploi et d’autres politiques publiques notamment au travers du régime des intermittents ».
Philippe Louis (CFTC)

Dernier syndicaliste à être reçu ce jeudi à l’Elysée ce jeudi, avant Laurent Berger, vendredi 13 octobre, le président de la CFTC a indiqué qu’Emmanuel Macron  lui avait donné l’assurance qu’il y aurait bien une négociation entre partenaires sociaux sur la formation professionnelle, et ce, malgré la position de l’Elysée qui se refuse à confirmer cette dernière. « Nous attendons de la réforme sur le sujet que cela permette de fluidifier le marché du travail », a expliqué à sa sortie le syndicaliste.

Sur le dossier de  l’assurance-chômage, il a tout à la fois expliqué que les syndicats et le patronat doivent « garder la main sur la gestion et la fixation des règles de l’assurance-chômage » et, dans le même temps, déclaré que « le tripartisme existe déjà dans la gestion financière puisque l’Etat cautionne les déficit et via Pôle emploi ».

Pierre Gattaz (Medef)

Après avoir manifesté son enthousiasme, indiquant à la sortie de son entretien avec Emmanuel Macron «  On a une terrible confiance des chefs d’entreprise là, car les réformes commencent à se mettre en place », le patron des patrons s’est expliqué sur les modalités de la réforme. Sur l’élargissement de l’indemnisation aux démissionnaires et indépendants, Pierre Gattaz a indiqué : «  on n’est pas contre philosophiquement, même si cela pose un petit problème économique ». Comme les leaders syndicaux qui l’ont précédé au cours de la matinée, il a indiqué ne pas vouloir «  baisser l’indemnisation des chômeurs », ni, « augmenter le coût du travail ».

Sur la gestion du régime, le président du Medef a expliqué que la suppression des cotisations sociales salariales à l’assurance-chômage,  transférées sur la CSG , allait aboutir à « un paritarisme bancal ». Le leader patronal s’est dit également « être un tout petit peu réservé » sur la gestion tripartite de l’assurance-chômage. »Il faut donner la chance aux partenaires sociaux de continuer de négocier l’assurance chômage dans un cadre défini par l’État, avec des objectifs définis par l’État et dans un cadre financier défini aussi », a-t-il poursuivi.

Enfin, à l’instar d’Alain Griset, Pierre Gattaz a plaidé pour une réforme en profondeur de l’apprentissage, évoquant la nécessité d’une approche client-fournisseur. « Nous souhaitons avoir la main totalement sur les filières d’apprentissage, les CFA », a-t-il expliqué, demandant en outre que « le financement ne passe plus par les régions ».

Alain Griset (U2p)

Le représentant patronal des artisans et les professions libérales attend beaucoup de l’exécutif sur l’apprentissage. « Ce qu’il faut […], ce n’est pas une réforme, mais une refondation », a-t-il précisé au sortir de son entretien. Alain Griset a demandé en particulier que les entreprises qui embauchent leur apprenti en CDI puissent « bénéficier d’une exonération de charges dégressive dans le temps pour fixer les jeunes dans l’entreprise ».

Interrogé sur le perron de l’Elysée sur son souhait ou non que les trois dossiers mis par l’exécutif sur la table fasse l’objet d’une négociation entre patronat et syndicats, il a indiqué que « l’U2P est disponible et ouverte à de telles négociations ». « Nous avons des propositions très concrètes dont nous sommes prêts à discuter avec nos collègues, pas besoin que l’État nous convoque », a t-il ajouté.

François Hommeril (CFE-CGC)

Comme son homologue Philippe Martinez, François Hommeril a indiqué à Emmanuel Macron que sa « ligne rouge « sur la réforme de l’assurance-chômage « était l’étatisation du système, même si aujourd’hui le terme employé n’est plus tout à fait le même », car « cela reviendrait à remettre en cause le caractère contributif et solidaire du régime ». Le leader de la CGC a par ailleurs indiqué avoir reçu l’assurance du chef de l’Etat, que ce dossier et ceux de la formation professionnelle et de l’apprentissage seraient « traités en trois blocs séparés avec pour chacun une phase de négociation. »

Philippe Martinez (CGT)

En prélude de son entretien, le  leader cégétiste a indiqué au chef de l’État, qu’il réclame des discussions sur la base d’un « texte » et l’organisation de « multilatérales » réunissant tous les partenaires sociaux. Le secrétaire général de la CGT a aussi dénoncé la méthode de l’exécutif. « J’ai rappelé au président de la République que se voir c’est bien, discuter ça sert toujours, mais que nous n’avons pas des têtes d’alibi », a-t-il expliqué. « Si c’est une négociation, cela veut dire qu’on a un texte, qu’on discute d’un texte […] que notre texte va être versé à la négociation », a-t-il dit. « Si c’est juste pour nous voir une heure sept fois dans le mois d’octobre-novembre et qu’à la fin le texte soit celui du gouvernement et qu’on le découvre deux heures avant vous (les journalistes), nous ne sommes pas d’accord », a-t-il poursuivi. « Il faut un texte, il faut des multilatérales », a-t-il martelé.

 

Sur l’assurance-chômage, le syndicaliste a affirmé, comme son homologue de Force Ouvrière, qu’il ne saurait être question de réduire les droits des chômeurs mais au contraire d’étendre la couverture à ceux actuellement non indemnisés. Il a aussi affirmé son attachement au paritarisme du régime, comme à celui de la formation professionnelle. « L’organisation de l’assurance-chômage comme de la formation professionnelle doit être du ressort des syndicats et du patronat. Le gouvernement doit donner une feuille de route (…) mais en aucun cas cela ne doit se faire de façon tripartite« , a-t-il ainsi déclaré à sa sortie de l’Élysée.

Jean Claude Mailly (FO)

A l’issue de sa rencontre avec le président de la république, Jean-Claude Mailly a réaffirmé  son opposition à une intervention de l’État dans la gestion de l’assurance-chômage. »Le rôle que pourraient avoir les interlocuteurs sociaux n’est pas réglé », a et-il expliqué. Le numéro un de Force ouvrière a insisté sur le fait que les syndicats devaient garder leur « responsabilité, en ce qui concerne les salariés, (…) sur la définition des prestations et de l’indemnisation ». Il s’est dit contre la gestion tripartite que promettait Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle. « Quand on gère à trois, c’est toujours deux contre un et ça tourne, donc je ne pense pas que ce soit le meilleur système« , a-t-il conclu.

Sur la réforme de la formation professionnelle, le leader de Force ouvrière a « demandé qu’il ait une négociation ». « On ne doit pas aller vers une logique d’individualisation » des droits, il faut « qu’il y ait des droits personnels mais définis collectivement » a t-il prévenu. Jean-Claude Mailly affirme qu’il « sera très vigilant à ce qu’il n’y ait pas une désintermédiation, à ce que demain ce ne soit pas le salarié seul avec son compte qui aille démarcher les organismes de formation. »

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