Après la décision de fusion des régimes AGIRC et ARRCO, actée en 2015, l’heure est aux négociations. Syndicats et patronat se sont réunis ce mercredi au Medef pour finaliser avant le 1er janvier 2018, les détails de cette fusion. Des discussions qui ont porté sur l’harmonisation des droits des assurés, mais aussi sur l’équilibre financier du régime. A la clé, un remodelage des cotisations Agirc-Arrco.
Syndicats (CFDT, FO, CGT, CFE-CGC, CFTC) et Patronat ((Medef, U2P, CPME) planchaient ce mercredi 8 novembre, sur les modalités de la fusion dont ils ont acté le principe voilà maintenant deux ans. Il s’agissait « de mettre en musique » l’accord signé le 30 octobre 2015 par le patronat et, la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC, qui prévoyait notamment la fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO au 1er janvier 2019. Ces discussions font suite à une dizaine de réunions organisées en amont, qui ont conduit à l’élaboration d’un projet d’accord. Sur la feuille de route des partenaires sociaux, figurait notamment la question de l’harmonisation des droits familiaux, tels les pensions de réversion ou les majorations de pension et les modalités de financement des régimes. Le Medef souhaitait aller vite, quitte à lâcher du lest sur les derniers réglages. C’est ce qu’il a fait.
Droits familiaux
Alors qu’à l’Arrco la pension de réversion est reversée au conjoint survivant dès 55 ans, l’Agirc ne l’a reverse elle, qu’à partir de 60 ans. Le projet mis sur la table prévoyait de fixer cet âge à 57 ans dans le régime unifié, mais le Medef a accepté de l’établir à 55 ans, s’est réjouie Pascale Coton (CFTC). Les syndicats ont ainsi obtenu que la clause du régime le plus avantageux soit accordée à la nouvelle fédération issue de la fusion des régimes Agirc et Arrco. « On a choisi d’adopter dans tous les cas la solution la plus favorable aux personnes en difficulté« , a expliqué à l’issue de la réunion, Claude Tendil, représentant du Medef. La pension de réversion va ainsi être alignée en âge et en taux sur le mieux-disant : ouverture des droits dès 55 ans, et 60 % de la pension du défunt accordés au conjoint. Il en va de même pour les majorations familiales dont le plafond doublé sera porté à 2.000 euros dans le nouveau régime. Le taux de majoration à partir du troisième enfant « né ou élevé » sera fixé à 10% dans tous les cas
L’extinction de la garantie minimale de points
Autre point abordé par les partenaires sociaux, la mise en place de deux nouvelles contributions : la contribution d’équilibre technique (CET) et la contribution d’équilibre général (CEG), qui fusionneront des cotisations existantes, dont certaines spécifiques aux cadres. En apparence, rien ne changerait ou presque. Pour autant, ce nouveau système pourrait faire des perdants chez certains salariés redoute Philippe Pihet de FO : quelque 5% d’assurés de l’Arrco (non cadres) et un peu plus de la moitié des cadres au-dessus d’un certain plafond de revenus, avec un surplus de cotisation de 5 à 10 euros par mois.
Car la disparition programmée du régime Agirc signe la mort de la garantie minimale de points (GMP)*. La cotisation comme les prestations correspondantes étant vouées à disparaître. Les droits acquis seraient servis aux assurés jusqu’à leur extinction, par la nouvelle contribution d’équilibre technique (CET) qui pendant des années va permettre de solder le passé. Elle serait acquittée par les salariés, cadres ou non-cadres, dont le revenu annuel dépasse le plafond de la Sécurité sociale (39.200 euros par an en 2017), y compris par ceux qui ne relevaient pas auparavant de la GMP. A la différence de celle ci, la CET ne créerait toutefois pas de droits pour les cotisants.
Une baisse des pensions ?
Parmi les pistes évoquées pour maintenir le système à flot, la baisse des pensions dès 2019. Le nouveau régime acté par l’accord du 30 octobre 2015 sera en effet doté d’un système de pilotage automatique qui permettrait, selon un document de travail consulté par Le Parisien, de moduler le niveau des pensions en cas de déficit financier. Une véritable révolution, car jusqu’à présent tout ajustement par la voie de la négociation collective, se faisait par augmentation des cotisations salariales et patronales ou, le simple gel des revalorisations des retraites. Le système pourrait ainsi jouer sur « la valeur de service du point », qui sert d’étalon au montant des retraites complémentaires. Si cette feuille de route était mise en place, le montant des pensions pourrait même baisser de 9% dans les 15 ans à venir, selon l’étude des services Agirc-Arrco citée par Le Parisien.
Un scénario relayé ce mercredi par la CGT dans un communiqué de presse. Pour la centrale de Montreuil, la « valeur de service du point », qui permet de calculer les pensions, n’est pas « sanctuarisée » dans le projet d’accord et pourrait donc baisser, entraînant une diminution des pensions. Le texte, qui précise le pilotage du régime réunit en outre « Tous les ingrédients pour baisser de manière semi-automatique les pensions », affirme la secrétaire générale de l’organisation pour les cadres (UGICT-CGT), Marie-José Kotlicki .
#Communiqué #CGT #Cadres sur la négo en cours sur les #Retraites Agirc et Arrco : le #MEDEF refuse de financer et veut baisser les retraites, en anticipation de la réforme Macron de 2018 https://t.co/4mHCAy6UKM #eco #social #ParadisePapers pic.twitter.com/UYK9vOQRsA
— UGICT – CGT (@CGTCadresTechs) November 8, 2017
Une thèse qui n’est toutefois pas validée par les autres syndicats, qui sur ce terrain ne suivent pas la CGT. Et le patronat s’inscrit en faux. Au Medef, Claude Tendil cingle : « Les pensions ne baisseront pas. Il faut arrêter de faire peur aux gens en leur mentant « .
#AgircArrco : "Il n'a jamais été question de baisser les pensions. Il faut arrêter de faire peur aux gens" Claude Tendil (Medef) via @lopinion_fr https://t.co/zOjWPQhZR0
— GuillaumeCroullebois (@GuillaumeCroull) November 9, 2017
D’abord parce que le pilotage prévu par l’accord conclu en octobre 2015, est encore loin d’être automatique. Tous les quatre ans, les partenaires sociaux devront en effet fixer les orientations stratégiques, quel niveau de réserves ? Quelle trajectoire d’équilibre ? Et définir les fourchettes de variation des paramètres ajustables annuellement. En outre, comme le rappellent l’Agirc et l’Arrco, qui appellent à relativiser, ce scénario ne serait envisagé que si les réserves accumulées par les caisses de retraite complémentaire fondent de moitié par rapport à leur niveau actuel. Or aujourd’hui, ces régimes possèdent un matelas équivalent à une année de prestation, soit environ 60 milliards d’euros. La « supposée » baisse des pensions n’interviendrait donc qu’en cas de crise financière majeure.
La gouvernance du régime
C’est aujourd’hui le sujet qui « fâche », comme l’a reconnu ce mercredi Frédéric Sève (CFDT). Seul point en suspens, la gouvernance du nouveau régime, fait encore l’objet de désaccords entre les syndicats, a reconnu Claude Tendil, représentant du Medef, à l’issue de la négociation. Une autre réunion, potentiellement conclusive, est prévue le 17 novembre, les négociateurs devant s’entendre avant la fin de l’année, pour une mise en œuvre effective de l’accord au 1er janvier 2019.
* Cette cotisation acquittée par un tiers des cadres ou assimilés dont les revenus sont inférieurs au plafond de la Sécurité sociale ou dépassent de peu celui ci, leur ouvrait droit à 120 points de retraite complémentaire par an