Le Sénat adopte le projet de loi d’habilitation

Après quatre jours de débat en séance, le sénat a adopté en première lecture, jeudi 27 juillet, le projet de loi d’habilitation autorisant le gouvernement à réformer le code du travail par ordonnance. Dès lundi, le texte sera examiné lors d’une commission mixte paritaire chargée de trouver un accord entre députés et sénateurs. Revue de détail des mesures validées par la chambre haute.

C’est donc chose faite : après l’assemblée le 13 juillet dernier, le Sénat à majorité de droite, a voté (186 voix pour et 106 contre) le projet de loi habilitant l’exécutif à réformer le droit du travail par ordonnance.

Pour l’essentiel, les sénateurs ont validé les mesures les plus importantes du texte : la nouvelle articulation entre les accords de branche et les accords d’entreprise (art. 1), la « barémisation » des dommages et intérêts alloués aux prud’hommes en cas de licenciement abusif (art.3), la fusion des instances représentatives du personnel, en une instance unique (art. 2) ou encore, la déréglementation des CDD et la généralisation des contrats de chantier (art. 3).

Le contenu du texte voté a toutefois évolué par rapport à sa version initiale. Les sénateurs étant allés sur certains points, parfois plus loin que l’exécutif ne l’aurait souhaité.

Ce qui a changé dans le texte

Sur le licenciement économique :

  • ils ont confirmé l’abandon, voté en commission des Affaires sociales, du motif économique du licenciement lorsqu’un salarié refuse de se voir appliquer un accord collectif ;
  • ils ont supprimé la reconnaissance d’un droit à l’erreur de l’employeur qui aurait été autorisé à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de procédure et de motivation mineures. Une mesure qui avait été introduite par la commission des Affaires sociales.
  • Ils ont modifié le projet de loi pour adopter l’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances des mesures pour réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail. De même, ils ont autorisé le gouvernement à modifier par ordonnances les dispositions relatives au licenciement pour motif économique.

Sur les accords d’entreprise et les accords professionnelles des branches

Les sénateurs, à la demande du gouvernement, ont supprimé la possibilité (introduite en commission) pour l’employeur de conclure un accord collectif directement avec les représentants élus du personnel ou, en leur absence, avec le personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés.

Sur la nouvelle instance unique de représentation du personnel

Les sénateurs ont ouvert la possibilité de créer une commission spécifique au sein de l’instance unique pour traiter des sujets qui relevaient auparavant du champ de compétences du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT)

Il revient maintenant à la commission mixte paritaire de trouver un accord entre la version de l’Assemblée et celle du Sénat. Les deux moutures du texte vont lui être soumises dès ce lundi, afin de s’accorder sur une version commune du projet d’habilitation qui fixera les grandes lignes des ordonnances. Selon le calendrier officiel, les conclusions de cette commission devraient être examinées à l’Assemblée le 1er août et au Sénat le 3 août. De son côté, le gouvernement a donné rendez-vous aux partenaires sociaux la semaine du 21 août. Ce n’est qu’à ce moment-là que patronat et syndicats en sauront davantage sur le contenu précis des réformes mises en place.

Ce qui a été voté par les sénateurs

Jeudi 27 juillet

 Le Sénat a adopté l’article 7, relatif à la prolongation de la période transitoire relative à la mise en place du nouveau zonage dérogatoire au repos dominical qui arrive à expiration le 1er août 2017. Considérant qu’il est très peu probable que le projet de loi ait été promulgué et les ordonnances publiées à cette date, la commission a supprimé l’habilitation et proposé de modifier directement l’article 257 de la loi « Croissance et activité » et prévu une entrée en vigueur rétroactive de cette disposition (rejet des amts  60, 163 et 86 rect. – art 7 ).

Mercredi 26 juillet

◊ Détachement (art. 5)

Le Sénat a adopté, en la modifiant, l’habilitation du gouvernement à prendre par ordonnances les mesures qui relèvent de la loi pour modifier la législation relative au détachement :

  • les ordonnances qui seront prises dans ce domaine prendront en compte l’activité des prestataires étrangers qui interviennent pour des prestations de courte durée, notamment en zone frontalière, dans des secteurs d’activité peu sujets à des pratiques de fraude ou à des violations des droits des salariés (amendement 233 du Gvt ) ;
  • les ordonnances viseront également à améliorer et simplifier la gestion et le recouvrement de la contribution due par les employeurs étrangers qui détachent des salariés en France dans le cadre d’une prestation de service (amendement 230 du Gvt).

◊ Télétravail et autres formes particulières de travail (art. 3)

Les sénateurs ont modifié le projet de loi afin que que les ordonnances que le Gouvernement est habilité à prendre puissent améliorer l’accès, le maintien et le retour à l’emploi des personnes en situation de handicap (amendement 45 rect).

◊ Mesures relatives au licenciement (art.3)

Les sénateurs ont sur ce point modifié le projet de loi, pour :

  • supprimer la reconnaissance d’un « droit à l’erreur » de l’employeur qui serait autorisé à rectifier dans la lettre de licenciement les irrégularités de procédure et de motivation mineures, sans incidence sur la cause réelle et sérieuse du licenciement. La mesure avait été introduit en commission (amendement 229 du Gvt ) ;
  • adopter l’habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour réduire les délais de recours en cas de rupture du contrat de travail, en confirmant, comme cela a été adopté en commission, la diminution d’au moins de moitié du délai de contestation portant sur la régularité ou la validité d’un licenciement pour motif économique (rejet des amendements 41 rect. et 238 du Gvt) ;
  • autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions relatives au licenciement pour motif économique (rejet des amendements 15 rect. bis, 78 rect. bis, 124 et 165 – art 3). Le Sénat a confirmé sur ce point a notion de périmètre national pour apprécier les difficultés économiques (rejets des amendements 196, 218 rect. bis, 43 rect. bis et 232 rect. du Gvt).

◊  « Barémisation » des dommages et intérêts alloués aux prud’hommes, dans les cas de licenciements abusifs (art. 3)

Les sénateurs ont autorisé le gouvernement à fixer dans les ordonnances un barème obligatoire pour les dommages et intérêts versés aux prud’hommes dans le cas de licenciements sans cause réelle et sérieuse ( (rejet des amendements 76 rect., 40 rect. bis, 117, 161, 194 rect). Ils ont toutefois modifié le dispositif proposé notamment afin de :

  • préciser que le barème n’inclut pas l’indemnité de licenciement (amt 169 rect. ter ) ;
  • d’exclure du dispositif de barémisation les licenciements entachés par une faute de l’employeur d’une exceptionnelle gravité (amendement 228 du Gvt).

◊ Vote de la fusion des trois instances représentatives du personnel en une instance unique (art. 2)

Concernant la nouvelle instance unique de représentation, le Sénat a notamment :

  • confirmé, comme adopté en commission, la limitation à trois du nombre de mandats qu’un même représentant du personnel pourra effectuer au sein de l’instance unique de représentation (rejet des amendements 160, 74 rect., 101, 32 rect.et 105 ). Ils ont toutefois adopté un amendement permettant d’ouvrir la possibilité de déroger à cette limitation « par exception » pour tenir compte de situations particulières (amendement 244 du Gvt) ;
  • ouvert la possibilité de créer une commission spécifique au sein de l’instance unique pour traiter des sujets qui relevaient auparavant du champ de compétences du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) (amendement 61 rect. quater ). Une disposition qui répond en partie aux inquiétudes exprimées par les sénateurs de gauche, sur le sort du CHSCT.
  • confirmé, comme adopté en commission, la compétence de la nouvelle instance unique à négocier des accords d’entreprise (rejet des amendements 106 et 236 du Gvt ).
  • rétabli l’association des représentants du personnel aux décisions de l’employeur notamment en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes et du renforcement de l’emploi des personnes handicapées, qui avait été supprimée en commission (amendement 235 du Gvt et sous-amt 246 ).

Mardi 25 juillet

◊ Report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (art. 9) ;

Le Sénat a donné son feu vert au report d’un an du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, à 2019, rejetant deux amendements de suppression de cette mesure inscrite dans le projet de loi.

Accord d’entreprise et accord des branches professionnelles (art. 1er)

S’agissant des dispositions de cet article, les sénateurs ont notamment :

  • supprimé la possibilité, introduite en commission, pour l’employeur de conclure un accord collectif directement avec les représentants élus du personnel ou, en leur absence, avec le personnel dans les entreprises de moins de 50 salariés (amendement 239 du Gvt) ;
  • confirmé la possibilité, introduite en commission, pour l’employeur d’organiser un référendum pour valider un projet d’accord (rejet des amendements 27 rect. et 96) ;
  • réduit de 3 ans à 2 ans le délai dans lequel le ministre chargé du travail engage la fusion des branches n’ayant pas conclu d’accord depuis 2009 ainsi que le délai durant lequel les membres de la commission nationale de la négociation collective peuvent s’opposer à un projet de restructuration (amendement 240 du Gvt) ;
  • confirmé, ainsi qu’adopté en commission, que le salarié qui refuse l’application d’un accord collectif pourra être licencié pour un motif spécifique (rejet des amendements 92, 183 rect. bis et 25 rect. et de l’amendement 242 du Gvt). La mesure initialement prévue dans le projet de loi avait été amendée par la commission aux affaires sociales, qui a souhaité imposer au gouvernement de retenir un motif spécifique pour le licenciement des salariés qui refusent l’application d’un accord de flexi-sécurité.

Lundi 24 juillet

◊ Rejet par les sénateurs des deux motions de censure présentées sur le texte par le groupe communiste.

À l’issue des interventions de la ministre du travail et des rapporteurs, les sénateurs ont rejeté les deux motions présentées sur le texte :

– la motion n° 52 tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité

– la motion n° 53 tendant à opposer la question préalable. Une motion rejetée par 308 voix contre 20.

 

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