
Reconnaissance par la France de l’État de Palestine à l’ONU
C’est un geste diplomatique hautement symbolique. Ce lundi 22 septembre, Emmanuel Macron doit annoncer en marge de l’Assemblée générale des Nations unies, la reconnaissance officielle de l’État de Palestine par la France. Le président français prononcera un discours à 19h GMT, par lequel il formalisera cette reconnaissance.
Emmanuel Macron avait évoqué la décision au printemps dernier. Repoussée à la suite de l’escalade militaire entre Israël et l’Iran, c’est finalement dans le cadre de la 80e Assemblée générale des Nations Unies, qui se tient depuis le 9 septembre à New York, que Paris a choisi d’officialiser son choix. Plus précisément à l’occasion d’une conférence sur le Proche-Orient qui se tient en marge de l’assemblée générale de l’ONU. Un geste présenté par l’Élysée comme une contribution directe à la relance du processus de paix au Proche-Orient.
Une séquence diplomatique copilotée par la France et l’Arabie Saoudite
L’initiative française s’inscrit dans une séquence diplomatique plus large, copilotée avec l’Arabie saoudite, afin de de tenter de relancer la “solution à deux États“ : l’un israélien, l’autre palestinien, coexistant à l’intérieur de frontières sûres et reconnues. Le 12 septembre dernier, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté à une solide majorité la “Déclaration de New York“, reprenant les principaux éléments d’un texte adopté en juillet, lors d’une conférence sur la solution à deux Etats, par 17 pays occidentaux et arabes, dont la France et l’Arabie saoudite. Sur les 193 membres de l’ONU, 142 pays ont voté pour cette déclaration, 10 contre – dont Israël et les États-Unis – et 12 se sont abstenus.
L'Assemblée générale de l'ONU soutient la solution à deux États, sans le Hamas
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La déclaration reprend les principaux éléments du texte adopté en juillet. Elle va même plus loin pour insister sur le désarmement du Hamas, et son isolement, alors qu’Israël ne cesse d’affirmer que la reconnaissance annoncée de la Palestine serait “une récompense“ pour le mouvement islamiste. “Le Hamas doit cesser d’exercer son autorité sur la bande de Gaza et remettre ses armes à l’Autorité palestinienne, avec le soutien et la collaboration de la communauté internationale, conformément à l’objectif d’un Etat de Palestine souverain et indépendant“, dit le texte. Le document suggère également le déploiement d’une mission soutenue par les Nations unies pour protéger les Palestiniens et fournir des garanties de sécurité aux civils des deux côtés, soutenir le transfert pacifique de la gouvernance à l’Autorité palestinienne et surveiller le cessez-le-feu et un futur accord de paix. Il prévoit que l’Autorité palestinienne gouverne et contrôle l’ensemble du territoire palestinien, avec un comité administratif transitoire établi immédiatement après un cessez-le-feu à Gaza.
Israël/Palestine : l’Assemblée générale de l’ONU adopte une déclaration relançant la solution à deux Etats, sans le Hamas
L’officialisation par la France d’une solution à deux États
Après avoir longuement consulté, écouté les uns et les autres, et hésité, Emmanuel Macron a peaufiné ce qui sera un discours historique, qui doit marquer les esprits. Le président français qui coprésidera la séance avec le prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman, montera ce lundi vers 15H00 heure de New York (19H00 GMT), à la tribune des Nations Unies, pour prononcer un discours par lequel il formalisera la reconnaissance par la France d’un État palestinien. Dans un courrier adressé le 24 juillet à Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (AP), annonçait que la France “procédera à la pleine reconnaissance de la Palestine comme Etat“ lors de l’Assemblée générale de l’ONU, invoquant la nécessité de “faire avancer la paix au Proche-Orient“.
Neuf pays s’associent à l’initiative de la France
Lors de la conférence qui se tiendra ce lundi à New York, en marge de l’Assemblée générale de l’ONU, “dix pays ont décidé de procéder à la reconnaissance de l’Etat de Palestine“, a déclaré un conseiller du président, Emmanuel Macron, à la presse. Outre la France, à l’origine de cette initiative, se prononceront en faveu cette reconnaissance : Andorre, l’Australie, la Belgique, le Canada, le Luxembourg, le Portugal, Malte, le Royaume-Uni et Saint-Marin, qui s’ajouteront ainsi aux plus de 145 membres de l’ONU qui l’ont déjà fait. Aucune capitale arabe n’a en revanche franchi le pas de reconnaître la solution à deux États, comme l’avait espéré Emmanuel Macron. Les Etats de la région se limitent à ouvrir la voie à une intégration dont les contours restent flous, mais tous, y compris le Qatar et la Turquie, adhèrent au principe du désarmement du Hamas.
Reconnaissance de la Palestine : neuf pays s’associent à l’initiative de la France ; l’annexion de la Cisjordanie est « une ligne rouge », prévient la présidence française
A la veille du discours du président Emmanuel Macron à l’ONU, le Royaume-Uni a reconnu officiellement ce dimanche l’État de Palestine. “Aujourd’hui, afin de raviver l’espoir de paix pour les Palestiniens et les Israéliens, ainsi que celui d’une solution à deux Etats, le Royaume-Uni reconnaît officiellement l’Etat de Palestine“, a annoncé le premier ministre britannique, Keir Starmer, dans une allocution diffusée sur X. Le Canada et l’Australie ont également reconnu l’État palestinien ce 21 septembre 2025.
🔴 ⚠️ #Palestine 🇵🇸🇬🇧 🗣"Aujourd’hui, afin de raviver l’espoir de paix pour les Palestiniens et les Israéliens, ainsi que celui d’une solution à deux Etats, le Royaume-Uni reconnaît officiellement l’Etat de Palestine", annonce le premier ministre britannique @Keir_Starmer, dans… pic.twitter.com/sOpeuitOES
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) September 21, 2025
Israël menace de représailles
Les efforts diplomatiques de la France, sabotés par la logique guerrière du gouvernement israélien, se heurtent à un mur. Et Israël met en garde ceux qui seraient tentés de suivre la voie française. “Les actions unilatérales contre Israël entraîneront des actions unilatérales de la part d’Israël“. Tel est le message transmis depuis des mois par Tel-Aviv après l’engagement pris par Emmanuel Macron de reconnaître l’État palestinien. A quelques jours d’annoncer la reconnaissance d’un État palestinien à l’ONU, le président français a tenu à s’expliquer auprès des Israéliens, dans une interview à la télévision locale, Channel 12. Le chef de l’Etat français accuse Israël de “détruire totalement [son] image et [sa] crédibilité“ en tuant tant de civils à Gaza. Par ailleurs, le plan porté par la France de reconnaissance d’un État palestinien serait “la meilleure manière d’isoler le Hamas“, assure Emmanuel, se disant toujours prêt à travailler avec Benjamin Netanyahou
#WATCH: President Macron scored a major diplomatic coup by announcing his intention to recognize the Palestinian state, but analysts and sources predict that this move will result in bitter retaliation from #Israel while providing little benefit to the Palestinians. #Gaza… pic.twitter.com/r8DgW4DnMh
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Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a promis de riposter à la décision de la France et de plusieurs autres pays. La question fait l’objet d’un rare consensus parmi la classe politique israélienne. Même à gauche, le soutien à la solution à deux Etats est loin d’aller de soi. “Il n’y aura pas d’Etat palestinien à l’ouest du Jourdain“, a ainsi réaffirmé Benyamin Nétanyahou dimanche soir. “J’ai un message clair à adresser aux dirigeants qui reconnaissent l’Etat palestinien après le terrible massacre du 7-Octobre : vous récompensez le terrorisme“, a assuré le premier ministre israélien, dans une allocution diffusée sur Facebook. “La réponse à la dernière tentative de nous imposer un Etat terroriste au cœur de notre pays sera donnée après mon retour des Etats-Unis. Attendez“, a t-il ajouté.
🔴 🇵🇸#Palestine 🗣 “J’ai un message clair à adresser aux dirigeants qui reconnaissent l’Etat palestinien après le terrible massacre du 7-Octobre : vous récompensez le terrorisme", déclare ce dimanche soir le PM israélien. “Et j’ai un autre message à vous adresser : cela… pic.twitter.com/Gbo0LXNtl0
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L’annexion de la Cisjordanie : une “ligne rouge claire“ pour Paris
L’État hébreu hausse le ton et brandit des menaces de représailles diplomatiques et territoriales, dont l’annexion de la Cisjordanie, occupée par l’État Hébreu depuis 1967.
Comment Israël a tenté d’enrayer le mouvement de reconnaissance de l’Etat de Palestine
— Médias 🇫🇷 (@mediasfr.skyfleet.blue) 2025-09-21T16:31:58.849Z
“L’annexion de la Cisjordanie est une ligne rouge claire“ a mis en garde vendredi 19 septembre 2025 la présidence française. “C’est évidemment la pire violation possible des résolutions des Nations unies“, a insisté vendredi l’Elysée, tout en soulignant qu’elle n’avait été à ce jour ni “confirmée“ ni “mise en œuvre“. “L’essentiel est de prendre toutes les mesures possibles aujourd’hui pour préserver la solution des deux Etats. Evidemment, l’annexion de la Cisjordanie serait une des mesures qui compromettrait le plus gravement cette perspective“, estime-t-on de même source.
L'annexion de la Cisjordanie occupée, dont la menace est agitée par des responsables israéliens en représailles à la reconnaissance d'un Etat palestinien par la France et d'autres pays, est “une ligne rouge claire “ a mis en garde vendredi la présidence française… pic.twitter.com/N4Uk6RYwBu
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) September 19, 2025
La reconnaissance ce dimanche 21 septembre, par la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie d’un Etat de Palestine a suscité une riposte immédiate d’Israël, dont deux ministres ont demandé l’annexion immédiate de la Cisjordanie, déclarant : « La reconnaissance par la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie d’un Etat palestinien, en récompense aux assassins [du Hamas], exige des mesures immédiates : l’application de la souveraineté en Judée-Samarie et l’écrasement total de l’Autorité palestinienne terroriste.“
#Palestine 🇵🇸 Après la reconnaissance de l'État de Palestine par trois États, deux ministres israéliens demandent l’annexion immédiate de la Cisjordanie 🗣"La reconnaissance par la Grande-Bretagne, le Canada et l’Australie d’un Etat “palestinien”, en récompense aux assassins [du… pic.twitter.com/MMmzhjBxsN
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) September 21, 2025
La reconnaissance française sera t-elle suivie d’effets ?
Cette reconnaissance aura t-elle un impact sur le terrain, alors qu’Israël a lancé une grande offensive terrestre dans la bande de Gaza ? “Cette reconnaissance, elle n’est pas déclaratoire. Pour nous, elle est opérationnelle“, insistait encore l’Elysée lors du brief. Dit autrement : elle fait partie d’un “plan de paix“ qui sera présenté par le président de la République lors de son discours.
Pour la Palestine, la reconnaissance officielle par Paris d’un État palestinien est surtout symbolique et peut-être un pas de plus vers l’intégration à l’Organisation des Nations Unies. Si l’annonce de la France ne mettra sans doute pas fin aux violences ni aux blocages politiques, elle marque toutefois un basculement diplomatique. La reconnaissance de l’État palestinien par deux puissances européennes majeures, membres du Conseil de sécurité de l’ONU, devrait ainsi placer la solution à deux États au cœur du débat international.
Pour David Khalfa, cofondateur du centre de recherches Atlantic Middle East Forum, si l’initiative est “pleine de bonnes intentions“, “elle se heurte à un double obstacle : la réalité d’un système politique palestinien verrouillé de l’intérieur par la corruption et la concentration des pouvoirs entre les mains d’un dirigeant affaibli qui refuse de céder la place, mais aussi le rejet israélien massif, partagé par la coalition au pouvoir comme par l’opposition.“ Pour la représentante de la Palestine en France, Hala Abou Hassira, la conférence de lundi est “un moment important qui porte l’espoir“ de concrétiser la solution à deux États. Mais elle prône aussi “des sanctions concrètes, telles qu’un embargo sur les armes à Israël, une rupture des relations avec Israël qui inclut l’arrêt total de l’accord d’association entre l’Union européenne et Israël.“
“Si on regarde l’ensemble, la reconnaissance est la seule chose qu’on puisse faire“, estime pour sa part Gérard Araud, ancien ambassadeur de France en Israël et aux États-Unis, qui prédit néanmoins un échec de l’initiative car le premier ministre israélien, pour l’heure soutenu par le président américain Donald Trump, ne veut pas d’un État palestinien. À court terme, rien ne va bouger sur le terrain, concède enfin Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur de France au Qatar et en Arabie saoudite, qui reste toutefois convaincu que le choix de la France “de travailler main dans la main avec l’Arabie saoudite“ va payer à long terme. C’est “aujourd’hui le seul pays qui peut inciter le président Trump à exercer les pressions nécessaires sur Netanyahou pour que soit prise en compte la revendication légitime du peuple palestinien“, affirme t-il.