La pétition citoyenne s’opposant à la loi Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction de l’acétamipride, un pesticide interdit depuis 2018 en France, a franchi ce dimanche la barre du million de signatures. Une protestation inédite qui dessine un débat à l’Assemblée. Mais ses opposants peuvent-ils aller plus loin ? Une abrogation du texte est-elle notamment possible ? Explications.
Le compteur relayé sur le site de l’Assemblée nationale s’est emballé et ne cesse de grimper : Il n’aura fallu qu’une dizaine de jours pour que la pétition contre la loi Duplomb qui vise à lever les contraintes du métier d’agriculteur, franchisse allègrement ce dimanche la barre du million de signataires, pour atteindre 1.417.208 à l’heure de la rédaction de cet article.
Un texte “parti de travers“
Un parcours expéditif au Parlement
A l’origine de cette pétition, une étudiante de 23 ans, “future professionnelle de la santé environnementale et de la responsabilité collective“, qui dénonce le contenu de la loi. Ses revendications sont triples : abroger le texte- pas encore promulgué -, consulter les acteurs concernés et opérer une “révision démocratique des conditions dans lesquelles elle a été adoptée“. Fruit d’une navette parlementaire chaotique durant laquelle le “socle commun“ a fait en sorte d’éviter le débat [en soutenant une motion de rejet dès son arrivée dans l’hémicycle – outil traditionnellement réservé aux oppositions], la proposition de loi du sénateur Duplomb se heurte désormais à la colère des partis de gauche et d’un grand nombre de citoyens.
Un recours devant le Conseil constitutionnel
Dans l’intervalle, plus de 60 députés des groupes Écologistes et Socialistes, la France insoumise (LFI-NFP), et la Gauche démocrate et républicaine, ont saisi le 11 juillet dernier, le Conseil constitutionnel, à l’encontre de la proposition de loi. Un recours similaire a été déposé par le groupe socialiste au Sénat.
❌ Non à la #LoiDuplomb : le groupe @socialistesAN a déposé un recours devant le @Conseil_constit contre la loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur https://t.co/ZSkRcbPi4i. Un recours similaire a été déposé par le groupe socialiste au Sénat. Les… pic.twitter.com/NvKKjYs1sb
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) July 18, 2025
Le Conseil constitutionnel ne devrait pas se prononcer sur l’éventuelle dangerosité de telle ou telle molécule et sur les études scientifiques, ce n’est pas son rôle. En revanche, il aura à se prononcer sur la conformité de la loi à la Constitution, et particulièrement à la Charte de protection de l’environnement, Certains parlementaires font également valoir un risque de vice de procédure lié à la motion de rejet préalable votée le 26 mai, mais il est peu probable que les sages suivent cette voie. Laurent Duplomb a pour sa part dénoncé ce lundi 21 juillet une pétition “instrumentalisée“ contre la loi qui serait destinée à “mettre la pression sur le Conseil constitutionnel.“ “Ce système de pétition est fait pour mettre de la pression au Conseil constitutionnel et espérer qu’il ne valide pas la loi“a dénoncé le sénateur LR sur RMC, alors que les Sages doivent se prononcer sur le texte d’ici le 10 août.
🎙️ "Ce débat sera fait, mais en aucun cas on ne reviendra sur la loi", affirme Laurent Duplomb, sénateur (LR) de la Haute-Loire. "Ce système de pétition est aussi fait pour mettre la pression au Conseil constitutionnel", dénonce-t-il#ApollineMatin pic.twitter.com/JUg9TSKVKB
— RMC (@RMCInfo) July 21, 2025
Quelles suites ?
Braun-Pivet favorable à un débat à l’Assemblée
L’avenir donné à cette pétition est désormais entre les mains des parlementaires. Le cap des 500 000 signatures franchis ouvre la possibilité d’un débat (à la condition que ces dernières soient issues d’au moins 30 départements ou collectivités d’outre-mer), dont l’organisation sera soumise au vote de la prochaine conférence des présidents, mi-septembre. Ce sera la première fois, depuis la mise en place de ce système à l’Assemblée nationale en 2020, qu’une pétition citoyenne atteindra le seuil minimum, lui permettant d’être débattue en séance publique.
La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet a affirmé, ce dimanche, être “favorable“ à l’organisation d’un tel débat dans l’hémicycle. “Bien sûr, on ne peut que constater les chiffres qui montrent qu’une partie des Français veut que l’on débatte“, a t-elle affirmé depuis les Landes où elle était en déplacement. “Les Français ont signé cette pétition. Nous pourrons organiser un débat dès la rentrée parlementaire sur ce sujet. C’est un sujet qu’on abordera en conférence des présidents, mais j’y suis évidemment favorable“, a-t-elle ajouté. Une décision confirmée ce lundi matin sur les ondes de RMC. “Considérant le nombre de signatures, le débat que cela suscite, je souhaite qu’il y ait un débat dans l’hémicycle“, a répété la présidente de l’Assemblée nationale, qui dit exprimer sa “position personnelle“. Selon elle, ce débat “servira à écouter les uns et les autres, à donner une issue à la pétition“ et “permettra d’éclaircir les choses, car “la loi Duplomb est une bonne loi“, a t-elle assuré.
🗣 Yaël Braun-Pivet face aux GG : "J'ai exprimé le souhait que la pétition sur la loi Duplomb fasse l'objet d'un débat à l'Assemblée." pic.twitter.com/LyI5GBzjjj
— Les Grandes Gueules (@GG_RMC) July 21, 2025
Dès samedi soir, le groupe des députés PS a demandé l’inscription de la pétition à l’ordre du jour de l’Assemblée “dès la rentrée“. “Au nom des députés socialistes, je demande à Yaël Braun-Pivet et aux autres présidents de groupe, l’inscription de cette pétition sur la loi Duplomb à l’ordre du jour de l’Assemblée dès la rentrée“, a indiqué sur X Boris Vallaud, le chef du groupe socialiste au Palais Bourbon.
Mais, abrogation du texte
Mais ce débat n’entraînera pas un réexamen de la loi sur le fond et encore moins son éventuel abrogation. Pour annuler les effets de la loi Duplomb, il faudrait en effet qu’une deuxième loi abrogeant la première soit déposée puis adoptée (comme cela avait été le cas, en 2006 par exemple, pour le contrat de première embauche ou “CPE” défendu par Dominique de Villepin). Une procédure rappelée ce lundi matin par la présidente de l’Assemblée : “On est dans le cadre d’un texte qui a été voté. (…) Le débat ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée“ a précisé Yaël Braun-Pivet. Et d’ajouter : “La pétition ne peut pas amener à une abrogation du texte de loi“.
Loi #Duplomb et pesticides : Yaël Braun-Pivet "favorable" à un débat, qui "ne pourra en aucun cas revenir sur le texte voté" https://t.co/D63srqtDWJ #DirectAN
— LCP (@LCP) July 21, 2025
Associations environnementales et opposants de gauche sur la brèche
Pas de quoi décourager les opposants de gauche et autres associations environnementales, qui en appellent désormais à Emmanuel Macron. Les uns l’invitent à ne pas promulguer la loi, les autres à demander une deuxième lecture à l’Assemblée, ce que la Constitution lui permet, à condition de le faire dans un délai de 15 jours après la transmission de la loi au gouvernement, comme l’a rappelé l’ancien ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas.
Loi Duplomb : au vu de la « mobilisation exceptionnelle », Générations futures appelle Macron à ne pas promulguer le texte https://t.co/hTNgJjKZGU
— Le Parisien (@le_Parisien) July 20, 2025
« Macron doit renoncer à promulguer“
Le président et le Premier ministre “doivent entendre la colère populaire contre cette loi passée en force. Ils doivent renoncer à la promulguer“, écrit sur X le coordinateur de La France insoumise Manuel Bompard. Même son de cloche du côté de Sandrine Rousseau. “J’invite tous les citoyens qui n’ont pas signé cette pétition“ à le faire, a déclaré sur France Info ce lundi 21 juillet, la députée Écologiste et Social, membre du Nouveau Front populaire (NFP).“[Son] succès ne m’étonne pas. Et je pense qu’elle n’est qu’au début. La suite, c’est un débat à l’Assemblée nationale et un appel au président de la République de ne pas promulguer la loi“, ambitionne t-elle. « C’est une lutte qui ne fait que commencer“, a t-elle assuré sur france info, ajoutant : “le camp du NFP- Nouveau Front populaire-, ne lâchera pas ce combat.“
🔴 Loi Duplomb ➡️ "Il y a une différence entre l'opinion publique et l'entre-soit politique et la FNSEA. Le succès de cette pétition ne m'étonne pas", détaille Sandrine Rousseau, députée Les Écologistes de Paris. pic.twitter.com/nGSKDFABvV
— franceinfo (@franceinfo) July 21, 2025
Une nouvelle lecture
D’autres opposants à la loi exigent désormais d’Emmanuel Macron qu’il demande une seconde délibération. “Ca prouve ce qu’on disait pendant des semaines : c’est une loi extrêmement régressive et dangereuse“, commente la présidente (LFI) de la commission des Affaires économiques à l’Assemblée nationale, Aurélie Trouvé, saluant la “très forte opposition populaire“.A la rentrée, la députée insoumise désignera avec sa commission un rapporteur en charge de cette pétition, comme le prévoit le règlement du Palais Bourbon.
Quelle option pour Emmanuel Macron ? De l’avis d’un familier de l’Elysée, le chef de l’Etat n’a pas l’intention de mettre son nez, en tout cas pas pour l’instant, dans cette affaire. “Il ne peut pas interférer quand le texte est en examen au Conseil constitutionnel“, confirmait dimanche à Politico, un conseiller élyséen, disant le président attaché à “respecter les institutions, à la fois les parlementaires qui l’ont saisi, et cette haute cour“. “La présidente de l’Assemblée nationale va réunir son bureau et elle décidera quelle suite elle donnera à cette pétition. Nous verrons ce que fera le président de la République“ a pour sa part indiqué sobrement ce lundi, Sophie Primas, porte-parole du Gouvernement.
🔴 Pétition contre la loi Duplomb :
🗣️ "La présidente de l'Assemblée nationale va réunir son bureau et elle décidera quelle suite elle donnera à cette pétition. Nous verrons ce que fera le président de la République" indique @sophieprimas, porte-parole du Gouvernement. #Les4V pic.twitter.com/OxuQkQ5oOS
— Telematin (@telematin) July 21, 2025