Conflit israélo-palestinien : le bras de fer France-Etats-Unis

C’est un véritable bras de fer qu’ont engagé  la France et les Etats-Unis sur le conflit israélo-palestinien. Alors que Washington bloque depuis huit jours l’adoption d’une déclaration commune, Paris a dégainé mardi une résolution devant le Conseil de sécurité. Fin de non-recevoir de Joe Biden qui a finalement appelé Israël à la désescalade, et impuissance des européens, divisés.

C’est une première crise ouverte entre les deux alliés depuis l’arrivée au pouvoir de Joe Biden, qui pourtant avait promis un réengagement américain dans la diplomatie multilatérale. Au risque de braquer les États-Unis, la France a essayé de mettre sa pierre à l’édifice dans les négociations diplomatiques qui entourent le conflit israélo-palestinien. Après huit jours de blocage de la part de Washington, Paris a proposé mardi 18 mai, en coordination avec l’Égypte et la Jordanie, une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) .

Un texte qui exige une “cessation immédiate des hostilités“, sans proposer toutefois de date de vote. Le projet français de résolution condamne “les tirs aveugles de roquettes contre des zones civiles“ et demande instamment la protection des civils et “un accès humanitaire“ notamment à Gaza, ainsi que la relance du processus de paix entre Israël et les Palestiniens. Les 15 membres du Conseil de sécurité ont jusqu’à jeudi soir pour proposer des commentaires, selon des diplomates.

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré mercredi qu’il espérait qu’un vote puisse être organisé aussi tôt que possible au Conseil de sécurité, où les États-Unis disposent d’un droit de veto – tout comme la Russie, la Chine, la France et le Royaume-Uni.

Jeudi, plusieurs ministres des Affaires étrangères de pays membres sont attendus à l’Assemblée générale de l’ONU pour un débat organisé en urgence et en personne à 14 h GMT sur le conflit israélo-palestinien, auquel doit participer le secrétaire général Antonio Guterres. Parmi les pays annoncés, figurent l’Égypte, la Turquie, la Jordanie, le Pakistan, la Tunisie ou l’Algérie, qui préside actuellement le groupe des États arabes à l’ONU.

Une fin de non-recevoir

La réponse sèche à la France des États-Unis ne s’est pas fait attendre, avec à la clé une menace de veto pure et simple. “Nous avons été clairs et cohérents sur le fait que nous nous concentrons sur les efforts diplomatiques intensifs en cours pour mettre fin à la violence et que nous ne soutiendrons pas les actions qui, selon nous, sapent les efforts en faveur d’une désescalade“, a déclaré à l’AFP une porte-parole de la mission américaine à l’ONU.

“Notre objectif est de mettre un terme à ce conflit. Nous allons évaluer jour après jour quelle est la bonne approche. Nous continuons à penser que des discussions discrètes et intensives en coulisses constituent notre approche tactique pour le moment“ a déclaré pour sa part mercredi, Jen Psaki, porte-parole de la Maison Blanche, opposant une catégorique fin de non-recevoir à l’initiative française.

La position américaine sera tout à fait déterminante […] C’est vrai qu’on a constaté des États-Unis un peu en retrait de tout cela“, a reconnu à Paris le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. “Il faut absolument éviter une offensive terrestre israélienne qui ouvrirait une phase vraiment incontrôlable“, a-t-il plaidé.

Si la menace d’un veto américain se précise, “la France n’ira pas jusqu’à mettre son texte au vote“, prédit un diplomate sous couvert d’anonymat. “C’est un jeu risqué“ face aux Etats-Unis, estime-t-il, en reconnaissant à Paris le mérite d’avoir secoué avec une initiative un Conseil de sécurité paralysé.

L’incompréhension du côté des alliés traditionnels européens

Du côté des alliés traditionnellement aux côtés des États-Unis et même au-delà, c’est l’incompréhension qui règne. “Les membres du Conseil ont une responsabilité collective pour la paix et la sécurité internationales. Il est grand temps que le Conseil intervienne, brise son silence et s’exprime, a indiqué mardi l’ambassadrice d’Irlande, membre non permanent, Géraldine Byrne Nason. “Nous demandons simplement aux États-Unis de soutenir une déclaration du Conseil de sécurité qui dirait des choses similaires à celles qui sont dites bilatéralement par Washington“, a relevé récemment un de ses homologues européens. “C’est un peu étrange si l’on pense à l’attente que nous avions tous d’un retour des Américains dans la diplomatie multilatérale“,, indique pour sa part à l’AFP un autre ambassadeur. “Nous avions pensé aussi que les États-Unis seraient désireux de montrer la pertinence du Conseil de sécurité dans des situations comme celle-ci“, ajoute-t-il.

Les Etats-Unis font “cavalier seul“

La politique de Washington, premier allié d’Israël, n’a pas varié depuis 10 jours malgré son isolement croissant. Les États-Unis ont à plusieurs reprises opposé leur veto à des résolutions similaires ces derniers jours, affirmant qu’ils poursuivaient plutôt d’autres voies pour résoudre la crise.

Washington a rejeté trois propositions de déclarations présentées par la Chine, la Tunisie (représentant le monde arabe au Conseil) et la Norvège. Les Etats-Unis ont aussi rechigné à l’organisation de réunions du Conseil, quatre depuis le 10 mai, provoquant même le report de l’une d’entre elles finalement tenue dimanche en public.

L’administration Biden, qui ne souhaitait pas faire du conflit israélo-palestinien un de ses dossiers prioritaires, est toutefois forcée de revoir ses plans en raison de la flambée de violence en cours et des critiques contradictoires émanant en premier lieu aux États-Unis du camp démocrate. Après avoir apporté un discret soutien diplomatique et militaire à Israël, le président américain semble à présent avoir changé de ton.

Dans un appel lundi au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Biden a exprimé son soutien à un cessez-le-feu entre Israël et le groupe militant Hamas. “Le président a indiqué au Premier ministre qu’il s’attendait à une désescalade significative aujourd’hui vers un cessez-le-feu“, a souligné la Maison Blanche dans un bref compte-rendu de l’échange téléphonique entre les deux hommes. Netanyahu de son côté a salué à plusieurs reprises ce qu’il a décrit comme le soutien des États-Unis, le principal allié d’Israël, pour un droit à la légitime défense dans la lutte contre les attaques depuis Gaza, où vivent deux millions de Palestiniens.

Alors que les bombardements israéliens sur Gaza et le barrage de tirs de roquettes du Hamas sur Israël se sont atténués dans la nuit de jeudi, de hauts responsables des deux côtés ont exprimé en privé leur optimisme quant à la possibilité d’un accord de cessez-le-feu d’ici le week-end.

Les européens inaudibles et divisés

Incapables de trouver une position commune sur le Proche-Orient en raison de la Hongrie, les Vingt-Sept ont démontré une fois de plus, mardi, l’impossibilité de trouver une position commune, à l’issue de la réunion d’urgence des vingt-sept ministres des Affaires étrangères européens sur le conflit israélo-palestinien.

L’Allemagne entre en scène

Pour autant la diplomatie s’active en coulisses pour tenter de mettre un terme à l’escalade militaire meurtrière entre Israël et le Hamas palestinien. Après l’appel du président américain en faveur d’une “désescalade“ immédiate dans les affrontements, et l’échec de la résolution française à l’ONU, c’est au tour de l’Allemagne d’entrer en scène, ce jeudi. Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Mass, tient dans la journée en Israël et en Cisjordanie occupée, des pourparlers avec de hauts responsables israéliens et l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, mais pas directement avec le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne. La chancelière allemande, Angela Merkel, a également plaidé pour un “cessez-le-feu rapide“ lors d’un entretien téléphonique avec le président palestinien Mahmoud Abbas.

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