Présidentielle 2022 : les coulisses du débat de l’entre-deux-tours

Mercredi 20 avril, à 21 heures, le président sortant et la candidate du RN s’affronteront pendant un peu plus de deux heures lors du débat de l’entre-deux-tours. Préparation, plans de coupe, emplacement des candidats, ordre de passage, thématiques, présentateurs … Ce qu’il faut savoir sur ce rendez-vous décisif de la Présidentielle 2022.

C’est un “match retour“ très attendu dont les modalités sont désormais connues. Cinq ans après, le président sortant, Emmanuel Macron, et la candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen, vont de nouveau croiser le fer“ ce mercredi 20 avril. “C’est le débatLe retour’“, ça me fait penser aux Rocky“, confie le réalisateur de la soirée, Didier Froehly, dans le long format diffusé lundi soir sur BFMTV. “Il y a de l’envie, de l’excitation, de la crainte, tout y est! “ décrit celui qui avait travaillé en 2017 sur les débats des primaires de la gauche et de la droite.

“Le jour d’avant“

Si l’affiche est la même qu’au second tour de la Présidentielle de 2017, le contexte politique a lui changé. La candidate du Rassemblement National a à cœur de corriger ce qui, de l’avis de tous, a été vécu comme un “traumatisme » par les membres de son parti. Elle entend bien montrer cette fois une image de crédibilité et de maîtrise. Le président-candidat sait lui, que la partie sera moins aisée qu’en 2017. S’il est toujours donné vainqueur dans les sondages à la veille de ce face-à-face, le maître de l’Elysée n’est pas à l’abri d’un faux pas ou d’une importante mobilisation de l’électorat anti-Macron, comme l’a rappelé le Premier ministre, Jean Castex, ce mardi matin au micro de France inter.

“Zénitude“ et repos pour Marine Le Pen

Marine Le Pen assure avoir tiré les leçons de 2017, où elle était arrivée mal préparée et fatiguée après avoir multiplié les déplacements“, estime la journaliste politique de France 2, Nathalie Saint-Cricq. L’entourage de la candidate n’a qu’une obsession : ne surtout rien faire comme en 2017, où la finaliste avait accumulé erreurs stratégiques et mauvais conseils de dernière minute, un cocktail de faux pas la conduisant à un épuisement déraisonnable avant le duel télévisuel. L’intéressée a donc vidé son agenda en vue de la préparation de son face-à-face avec le président sortant.

Dimanche après-midi, la candidate réunissait à Paris, en toute discrétion, six de ses plus proches conseillers, au troisième étage de son QG de campagne, pour écouter leurs dernières recommandations. Autour de la table étaient d’abord présents les “technos“ : son directeur de cabinet, Renaud Labaye, le directeur de sa campagne, Christophe Bay, ainsi que son bras droit, Jean-Philippe Tanguy, ex bras droit de Nicolas Dupont-Aignan. Mais également, les politiques : le président du RN par intérim, Jordan Bardella, le député du Nord, Sébastien Chenu ainsi que Philippe Olivier, conseiller spécial et par ailleurs beau-frère de la candidate.

Pas de pause pour Emmanuel Macron

Emmanuel Macron n’a officiellement lui pas prévu de s’accorder de pause avant la confrontation télé avec son opposante. Pour travailler sur ce débat, le président sortant passé une partie de sa journée de lundi à l’Élysée, à potasser les notes rédigées par une équipe spécialement constituée pour décortiquer le programme de Marine Le Pen. Selon PlayBook, une réunion était prévue à l’Elysée ce mardi avec une partie de sa garde rapprochée. Parmi les membres de ce cénacle détaillé par Le Parisien ce matin : le secrétaire général du Palais, Alexis Kohler, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, celui des Outre-Mer, Sébastien Lecornu, son conseiller en communication, Clément Leonarduzzi et sa plume, Jonathan Guémas. Les grognards, François Bayrou et Richard Ferrand, ainsi que le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal apportent leur contribution, de même que l’ex-conseiller élyséen, Philippe Grangeon.

Mais l’entourage présidentiel se garde d’en faire la publicité. “L’idée, c’est d’en faire un non-événement“ explique un conseiller de l’exécutif. Et d’insister sur l’effet de contraste recherché avec Le Pen : “A force d’avoir dit qu’elle s’isolait, elle montrait qu’elle partait dans une position de faiblesse.“ “Il doit continuer sa vie de président, de candidat. Il ne s’isole pas. Il ne faut pas montrer qu’on a peur d’elle.“

Les moindres détails négociés

Chaque détail du plateau ou de l’organisation du débat a fait l’objet de négociations particulièrement serrées entre les entourages des deux candidats :  température du studio, plans de coupe, choix des journalistes… Rien n’a été laissé au hasard par les deux camps. Tout est consigné dans une charte que les deux candidats doivent signer à l’Arcom (ex CSA). Elle encadre au moindre détail près, la captation de ce rendez-vous. Côté organisateurs, on met en avant, encore plus que d’habitude, la priorité donnée au fond plutôt qu’à la forme. “Quand l’enveloppe est austère“, précise à Ouest-France le directeur de l’information du groupe TF1, Thierry Thuillier, “les téléspectateurs se concentrent sur le fond“.

Disposition du plateau

Cette année contrairement à 2017, pas de grande table réunissant les quatre protagonistes. Lors de ce face-à-face, journalistes et candidats feront en effet “desk“ à part. “Chacun derrière son bureau“, précise le réalisateur Didier Froehly. Les deux tables seront situées face à face, à 2,5 mètres de distance, les journalistes étant placés à une troisième table, à 4 mètres des candidats. A leur demande, Emmanuel Macron et Marine Le Pen pourront voir le décompte des temps de parole, poser des fiches sur leur table et avoir un dossier à leur siège.

Derrière eux, un écran géant en haute résolution de 3,7 m de haut et 30,5 m de large servira d’arrière-plan. Il a été pensé par Olivier Illouz, chef décorateur et créateur de la société de conception Studio 40, Comme en 2017, il y était prévu une reconstitution figurative de l’Élysée, avec la cour et deux bâtiments neutres sur les côtés. Mais cet arrière-plan n’a pas été validé par l’entourage des candidats. Trois autres propositions leur ont été faites, avec deux couleurs principales: du bleu et du beige champagne.

À la disposition du réalisateur : 16 caméras (3 de plus qu’en 2017), dont une grue de 12 m et un travelling. Un dispositif qui va permettre d’assurer des plans larges, moyens et serrés sur les deux candidats. Sept autres caméras seront disponibles en cas de bug. “Le débat est pensé telle une arène“, explique Didier Froehly à BFMTV. À l’intérieur, “il nous reste les deux gladiateurs. Et dans la loge principale, on retrouve les deux journalistes qui font les relances, qui lancent les thèmes abordés, etc.

Température de 19 degrés sur le plateau

La température du plateau ou l’intensité des lumières ont, elles aussi, fait l’objet de discussions. Il n’y aura pas de climatisation individuelle. La température, la même pour les deux candidats, sera régulée à 19 degrés, d’un commun accord.

Des plans de coupe ultra codifiés

C’était le principal point de tension du dispositif télévisuel. Ces plans ont été surtout discutés dans le camp de Marine Le Pen, qui garde un très mauvais souvenirs des images de 2017 sur lesquelles ont la voyait se perdre dans ses fiches, pendant que s’exprimait Emmanuel Macron. Pour cette édition 2022, il a été décidé qu’ils seront autorisés “à la seule condition que les deux candidats se fassent face et tiennent le regard de son adversaire“, explique Didier Froehly. “

La précédente charte en 2017 prévoyait pour la première fois l’utilisation de plans de coupe (qui permettent de montrer un candidat quand l’autre parle)avec “parcimonie“. Un terme jugé trop vague par les deux candidats.

Mais le sujet censé être déjà tranché a toutefois de nouveau animé les discussions mardi, jusqu’en fin d’après-midi. Les propos du réalisateur n’ayant sans doute pas suffi à apaiser les angoisses, les représentants du RN ont en effet tenté de renégocier ce point. Au final, les fameux plans de coupe seront bien autorisés, et dans des proportions laissées “à la discrétion du réalisateur“.

Trois tirages au sort

Plusieurs tirages au sort effectués ce mardi à l’Arcom ont permis de déterminer le placement des candidats sur le plateau, l’ordre de prise de parole ainsi que la distribution des deux loges. Emmanuel Macron sera ainsi installé à gauche du plateau tandis que Marine Le Pen sera à droite. Le tirage au sort a désigné la candidate RN pour répondre la première à une question d’introduction, le droit de présenter sa “carte blanche“ de conclusion en premier revenant donc au président sortant.

Huit thématiques

L’ordre des sujets a fait l’objet d’âpres discussions. Pas moins de huit thèmes de vingt minutes chacun, ont été listés. Un tirage au sort a permis de décider du premier, pour la plus grande satisfaction du clan Le Pen, qui en a fait sa marotte : le pouvoir d’achat. Viendront ensuite l’international, sujet moins aisé pour la candidate RN, à qui l’on reproche sa “poutinophilie“. Suivra dans un seul ensemble, la question des retraites, de la santé, de la dépendance et du modèle social, avant de passer à l’écologie, en quatrième position, un sujet “remonté“ à la demande de l’équipe macroniste. Le cinquième thème touchera à la question de la compétitivité. La jeunesse et l’éducation seront abordées en sixième position. La sécurité et la gouvernance seront enfin abordés en conclusion.

La présentation et la diffusion du débat

Léa Salamé et Gilles Bouleau aux commandes

Les noms des journalistes animateurs du débat ont également fait l’objet d’un accord entre les chaînes et les équipes de campagne. Cette année, il sera animé par Léa Salamé, journaliste politique de France 2, et à Gilles Bouleau, le présentateur du 20 heures de TF1.

Un temps pressenti, la présentatrice du JT de 20 heures de France 2, Anne Sophie Lapix a été écartée. “Marine Le Pen ne souhaite pas qu’Anne-Sophie Lapix anime le débat“, a affirmé Jordan Bardella, le président du RN par intérim, lundi sur C News. “Elle n’arrive pas à dissimuler son hostilité vis-à-vis de Marine Le Pen à chaque fois qu’elle la reçoit“, a t-il précisé, ajoutant “même Emmanuel Macron ne souhaite pas qu’Anne-Sophie Lapix prenne le débat“. Une polémique que conteste le directeur de l’information de France Télévisons, qui martèle que les candidats n’ont pas discuté le choix de la représentante de France 2. “Léa Salamé, qui est une excellente intervieweuse, était le choix numéro un“, assure Laurent Guimier.

TF1, France 2, BFMTV… Les chaînes qui le diffusent

Moment symbolique de la Présidentielle française, le débat de l’entre-deux-tours qui devrait durer 2h20, sera diffusé en direct à partir de 21 heures par les deux grandes chaînes nationales TF1 et France 2. BFMTVPublic Sénat- LCP et CNews ont annoncé ce mardi matin qu’elles le diffuseront également. Sur les ondes radio, plusieurs stations ont aussi décidé de retransmettre en direct le face-à-face. Ce sera le cas notamment de France info, d’Europe 1.

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