Motion de censure transpartisane : les clés d’un vote qui fait frémir la Macronie

Après le recours du gouvernement au 49-3, deux motions de censure ont été déposées pour faire tomber le gouvernement et empêcher l’adoption de la réforme des retraites. L’une “transpartisane“ et portée par le groupe LIOT, pourrait selon certains “donner des sueurs“ froides au camp Macron. Son adoption est pourtant loin d’être acquise. Encore une fois, le groupe LR et son contingent de 61 députés, jouera le rôle d’arbitre.

Sans majorité à l’Assemblée nationale, le gouvernement a opté jeudi après-midi pour l’utilisation du 49.3, pour faire passer son projet de réforme des retraites. Un passage en force qui a déclenché le dépôt de deux motions de censure qui seront votées dans l’hémicycle ce lundi, à partir de 16 heures. 

Deux motions

Motion 1

C’est celle qui devrait recueillir le plus de voix parce qu’elle est transpartisane : déposée par le président du groupe centriste LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), elle a été signée par 91 députés issus des groupes LIOT, PS, LFI, GRD et Ecologiste. Aucun député Les Républicains n’a finalement paraphé le texte. Les signataires accusent le gouvernement d’avoir “fait le choix d’un contournement de nos institutions” et estiment que la réforme des retraites“ ne “dispose d’aucune légitimité parlementaire“, parce qu’elle n’a pas été votée par l’Assemblée nationale. Même si ses chances de faire tomber le gouvernement sont minces, la motion transpartisane du groupe LIOT, apparaît beaucoup plus risquée pour le gouvernement. Elle pourrait même, selon certains, “donner des sueurs froides“ au camp Macron. Si elle était adoptée, elle entraînerait le rejet de la réforme et procéderait immédiatement à tomber le gouvernement.

Motion 2

Elle a été déposée par Marine Le Pen et les 87 députés du Rassemblement national. Fustigeant une “réforme inique“. La patronne du R y déplore que “la représentation nationale n’a, à aucun moment, pu voter sur ce texte ce qui est, malgré la légalité du processus, “une atteinte grave aux principes démocratiques”. La motion de censure déposée vendredi par le RN a peu de chance d’être adoptée, Toute la Nupes (LFI, EELV, PS, PCF) a en effet une ligne rouge : ne jamais signer un texte de l’extrême-droite, quel qu’ il soit.

Les LR, à nouveau “faiseurs de roi“

Pour être adoptée, une motion de censure doit être votée par la majorité absolue des membres composant l’Assemblée nationale, soit actuellement 287 voix, sur les 573 sièges actuellement occupés. Seules les voix “pour“ comptent. La motion du groupe LIOT pourrait ainsi mathématiquement se déplacer entre 257 et 262 voix. Un chiffre qui correspond à l’ensemble des oppositions : les 149 députés de la Nupes, les 20 députés Liot, et les 88 députés RN, auxquels on peut rajouter les cinq députés non inscrits, qui pourraient décider de voter le texte de LIOT.

Insuffisant donc pour avoir la majorité absolue. Pour atteindre celle ci, il faudra en effet qu’une fraction des députés Les Républicains se rallient à la motion transpartisane du groupe centriste. Combien le feront ? La réponse à cette question conditionnera l’issue du vote. Car une nouvelle fois, les LR sont en position de “faiseurs de roi“. Dès l’adoption jeudi du 49-3 par le gouvernement, le président du parti, Éric Ciotti, a essayé d’éteindre l’incendie, en assurant : “Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure“ , indiquant ne pas vouloir “rajouter du chaos au chaos“ .

Mais le député de Nice, fragilisé en interne par son incapacité à assurer le vote de la réforme à l’Assemblée nationale, a été désavoué quelques secondes après sa prise de parole par son ex numéro 2, Aurélien Pradié, chef de file de la fronde LR , qui dénonçant un “échec pour la démocratie“, a déclaré qu’il se poserait la question “de voter la motion de censure dans le week-end qui vient.“  Si aucune exclusion du groupe n’est prévue pour ceux qui voteront une motion de censure, Olivier Marleix les invite, dans Le Figaro, à “l’esprit d’équipe vis-à-vis de leurs collègues. Pour tenter de reprendre la main, le chef de file des députés LR a décidé d’expliquer lui-même la position du groupe à la tribune cet après-midi.

Quel soutien au sein de chaque groupe ?

Aucune voix au sein des groupes de la majorité

Même si des voix dissonantes se font entendre, aucun député de la majorité relative (Renaissance, Modem, Horizons) ne devrait apporter sa voix au texte porté par le groupe LIOT. Même le député Horizons Yannick Favennec, qui avait annoncé publiquement au  Figaro  sa volonté de voter contre le projet de loi du gouvernement, ne votera pas pour cette motion de censure transpartisane. “Comme Édouard Philippe, je suis libre.  Mais comme lui, je suis également fidèle.  Je ne mêlerai pas ma voix à celle des Insoumis“ , indique t-il.

“Carton plein“ à la Nupes

La Nupes ayant même renoncé à déposer son propre texte afin de donner plus de chances à celui déposé par le groupe LIOT, sans surprise, l’ensemble des élus des groupes composant l’Alliance de gauche, votera la motion portée par le centriste Charles de Courson : 74 députés de La France insoumise, 31 socialistes, les 22 écologistes et 22 élus du groupe communiste. Soit au total, 149 voix acquises à la motion de censure de LIOT.

Environ 15 voix chez Les Républicains

Pour atteindre la majorité absolue imposée par la Constitution, il faut qu’au moins 25 députés, sur les 61 que compte le groupe LR franchissent le pas. Dès ce week-end, certains ont annoncé qu’ils voteront bel et bien la censure : c’est le cas de Fabien Filippo (Moselle),  Francis Dubois (Corrèze), Pierre Cordier (Ardennes), ou encore Ian Boucard (Territoire de Belfort), 

Tous les regards étaient tournés ce lundi matin vers Aurélien Pradié qui défendait encore jeudi l’idée que LR dépose sa propre motion et a jugé ce week-end que celle déposée par LIOT “mérit[ait] encore réflexion“. Au micro de Sonia Mabrouk sur Europe 1, le député du Lot a annoncé qu’il voterait finalement la motion de censure déposée par le groupe Liot. “Peut-être une quinzaine“ de députés LR voteront eux aussi la motion à t-il indiqué. 

Après l’ex numéro 2 de LR et Maxime Minot (Oise), c’était au tour de Pierre-Henri Dumont d’annoncer ce lundi sur CNews son choix de voter la motion de censure déposée par le groupe Liot “celle qui est transpartisane et qui a donc le plus de chances de pouvoir rassembler une majorité de députés cet après-midi à l’Assemblée nationale“.

D’autres enfin ont déjà évoqué leur intention d’adopter le texte. Parmi ces derniers, les députés Emmanuelle Anthoine  (Drôme),  Fabrice Brun  (Ardèche), . Il faut ajouter à cette liste,Raphaël Schellenberger ( Haut-Rhin) qui, a annoncé à  Rue89 Strasbourgenvisage de voter la motion de censure“,  tandis que  Jean-Yves Bony , député du Cantal a déclaré “ne pas s’interdire“ cette possibilité. Au total, ce sont donc effectivement une quinzaine de députés qui pourrait voter la motion LIOT. “Mais selon moi, on sera plutôt entre 8 et 11“,   juge un élu bien informé.

 

Entre 3 et 4 abstentions chez LIOT

Selon les informations du Figaro , au moins trois – voire quatre – des 20 députés du groupe LIOT qui porte ce texte, ne voteront pas en faveur de ce dernier. C’est le cas notamment du co-président du groupe, Christophe Naegelen, qui ne souhaite pas “ajouter une crise politique“, à la crise actuelle.

Pas d’unanimité chez les non inscrits

Les non-inscrits ne voteront pas tous cette motion de censure. Si Nicolas Dupont-Aignan et Adrien Quatennens ont d’ores et déjà annoncé qu’ils tenteraient de faire tomber le gouvernement, les trois autres députés ne sont pas du même avis. Au mieux, la motion LIOT ne devrait recueillir que trois voix chez les non-inscrits.

Sur le papier, il faut donc qu’un peu moins de la moitié des 61 députés du groupe LR vote la censure pour que la motion passe. Mais ceci est tout à fait théorique : il faudrait tous les députés de la Nupes et du RN soient physiquement présents pour voter (pas de délégations de vote possible), que l’ensemble des membres du groupe Liot (20 députés) votent pour la motion, or quelques uns pourraient manquer à l’appel, et que l’ensemble des 5 non-inscrits le fassent aussi, ce qui n’est pas assuré non plus.

Selon le décompte du Figaro, au total, la motion de censure transpartisane obtiendrait donc entre 261 et 272 voix, loin des 287 voix nécessaires à la faire adopter. Sauf énorme surprise et changements d’avis de dernière minute, elle ne devrait donc pas pouvoir faire tomber le gouvernement.

La motion LIOT peut-elle être votée ?

Selon Le Figaro, ses chances de faire tomber le gouvernement sont très minces. Au total, elle obtiendrait selon le quotidien, entre 261 et 272 voix, loin des 287 voix nécessaires à son adoption.

D’après le comptage de France Inter, il n’y a aucune chance qu’une majorité de députés censure le gouvernement ce lundi. En hypothèse basse, elle recueillerait 261 votes, et en hypothèse haute : 277. Un score éloigné de la majorité absolue (287 voix) qui ferait tomber le gouvernement.

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