49-3 : le jeu des motions de censure

Après le recours du gouvernement au 49-3 pour faire voter sa réforme des retraites, les groupes d’opposition unis dans la riposte, vont déposer dans les prochaines heures des motions de censure. Tous les regards se tournent vers le groupe Liot qui a annoncé le dépôt d’une motion transpartisane. Peut-elle changer la donne  Explications.

Cela n’aura échappé à personne : hier était une “folle journée politique“. Une de celle qu’est susceptible de déclencher l’arme constitutionnelle de la Vème république : le 49-3 et son corollaire, la motion de censure. Car les comptes n’étaient pas bons. A quelques heures de la séance à l’Assemblée nationale, la majorité sur laquelle pouvait compter le gouvernement était trop serrée, et se jouait à moins de cinq voix d’écart, selon plusieurs sources parlementaires.

A 14 h 45, un quart d’heure avant qu’Élisabeth Borne ne monte au perchoir de l’Assemblée, le nez rivé sur les tableaux de comptage les deux têtes de l’exécutif constatent qu’il manquent toujours… deux voix. “Il y a une trop grande incertitude“, jauge alors Emmanuel Macron, qui refusant de se “remettre dans les mains“ d’une poignée d’alliés bancals du groupe LR, décide le passage en force. Entre deux maux, le président de la République a donc choisi le recours le 49-3, sacrifiant au passage sa Première ministre, qui a servi de fusible.

Mais les oppositions ne comptent pas en rester là. “Nous ne laisserons rien de côté pour empêcher cette réforme“, expliquait hier le premier secrétaire socialiste, Olivier Faure. “Nous répondrons évidemment par la censure“, enchaînait la présidente du groupe Insoumis, Mathilde Panot.

Parmi les outils à leur disposition : la motion de censure. Les différents groupes ont jusqu’à 15h20, aujourd’hui, pour en déposer une. Chaque motion doit recueillir au moins 58 signataires. Pour avoir une chance de renverser le gouvernement, un tel texte doit recueillir la majorité absolue des députés, soit actuellement 287 voix. Seules les voix “pour“ comptent. Une abstention est donc décomptée comme un soutien au gouvernement. Ces motions doivent être discutées quarante-huit heures après leur dépôt, ce qui reporte à lundi.

Le Rassemblement National en sera

Combien de motions de censure pourraient être déposées ? Au moins deux, au regard des déclarations des responsables des différents groupes politiques dans la journée de jeudi et ce vendredi.Très vite après l’allocution d’Elisabeth Borne à la tribune de l’Assemblée nationale, Marine Le Pen, a annoncé qu’elle déposerait une motion de censure, et voterait toutes celles qui le seront. “Nous déposerons notre motion de censure et nous voterons l’ensemble des motions qui seront déposées et elles seront nombreuses“, a indiqué la cheffe de file des députés du Rassemblement National (RN).

La France Insoumise (LFI) sera elle en retrait. Jean-Luc Mélenchon, son leader, a annoncé vendredi que le groupe LFI  ne présenterait pas de motion, mais soutiendrait celle du groupe des indépendants (LIOT) à l’Assemblée nationale afin de “donner les plus grandes chances possibles à la censure“ du gouvernement d’Elisabeth Borne, après l’utilisation du 49.3. Avec le 49.3, “nous avons atteint notre objectif, ce texte n’a aucune légitimité, on a raison de se révolter, a-t-il ajouté ce vendredi, sur France Inter.

Une motion transpartisane du groupe Liot

Tous les regards se tournent aujourd’hui vers le groupe Liot. Peu avant 17h30 jeudi, son président Bertrand Pancher a lu une déclaration devant les journalistes : “Nous dénonçons l’utilisation du 49-3. En conséquence, nous demandons le retrait immédiat de la réforme des retraites et la démission du gouvernement. Sans réponse rapide du président de la République, le groupe déposera une motion de censure transpartisane. “ Car il est impossible pour le groupe centriste qui ne comprend que vingt députés, de déposer seul une motion de censure, qui nécessite  58 signataires.

Le petit groupe parlementaire dont fait partie, Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (LIOT), se retrouve ainsi en position de pivot dans les tentatives de faire tomber le gouvernement. Il peut compter en effet sur le vote des députés du Rassemblement National ainsi que sur celui de la France Insoumise qui ont décidé de soutenir sa motion.

Sortons le boulier

Pour autant, cette motion est-elle susceptible de faire tomber le gouvernement ? Pour qu’elle soit adoptée, elle devra recueillir l’assentiment de la majorité absolue des députés, soit, actuellement, 287. En ajoutant la NUPES (147) au RN (88) et à LIOT (20), on arrive à 255, 260, en ajoutant les cinq députés non-inscrits. Insuffisant donc pour avoir la majorité absolue. Pour atteindre celle ci, il faudrait en effet que outre ces groupes d’opposition,  27 députés Les Républicains votent la motion du groupe Liot. Combien le feront ? “Dix“, estimait hier un membre du groupe interrogé par Politico. “Nous ne nous associerons à aucune motion de censure et ne voterons aucune motion de censure“, a assuré ce jeudi le patron du parti Eric Ciotti, disant ne pas vouloir “rajouter du chaos au chaos“.

Sauf que… Quelques instants après cette déclaration, Aurélien Pradié prenait le contre-pied. Le numéro 2 des Républicains se laisse en effet la possibilité de voter pour une motion de censure transpartisane. Le député du Lot assure quetoutes les hypothèses [sont] possibles“, avant d’ajouter : “Je refuse depuis le début de rentrer dans ce non-choix, où nous devrions être ou mélenchoniste, ou lepéniste, ou macroniste“. Et il n’est pas le seul chez LR. Son collègue du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont a notamment indiqué ne pas vouloir s’associer à une motion “signée par des membres du RN ou de LFI“, mais une motion LIOT “se négocie, se discute“, a-t-il fait valoir.

Il y a fort à parier que les indécis seront sollicités de toutes parts ces prochains jours, par les signataires des motions et par la majorité. Cette dernière pourrait avoir l’avantage, surtout si Emmanuel Macron relance l’hypothèse d’une dissolution de l’Assemblée nationale, à laquelle les députés LR ont peu d’intérêt.

 

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