Constitutionnalisation de l’IVG : la dernière marche

Après l’adoption par le Sénat du projet de loi sur la constitutionnalité de l’IVG, députés et sénateurs sont convoqués ce lundi 4 mars en Congrès, au château de Versailles, “pour un vote final“. Ce qu’il faut savoir sur cette réunion des deux chambres du Parlement qui vise à graver la liberté d’avorter, dans le marbre de la Constitution.

Un mois après avoir été adopté par l’Assemblée nationale, le projet de loi visant à inscrire l’Interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution a été largement approuvé par la chambre haute, dans des termes identiques, mercredi 28 février 2024. Dans la foulée, le président de la République, Emmanuel Macron, a annoncé la convocation ce lundi, du Congrès à Versailles, pour un vote final.  Une dernière étape, et non des moindres, pour que cette révision constitutionnelle, largement soutenue par les français, soit  effective.

Mode d’emploi d’une réunion exceptionnelle

Le Congrès du Parlement est la réunion conjointe dans un même lieu, à Versailles, des deux chambres du Parlement, A cette occasion les 925 parlementaires français (577 députés et 348 sénateurs) siègent ensemble, sur convocation par décret du président de la République, dans l’hémicycle de l’Aile du Midi du château de Versailles. Une réunion extraordinaire  qui ne s’est déroulée qu’à deux reprises depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, et vingt fois depuis 1958. La Constitution prévoit aujourd’hui trois cas de réunion de cette instance : en vue d’une révision de la Constitution, pour autoriser l’adhésion d’un État à l’Union européenne, et pour entendre une déclaration du Président de la République.

Une réunion dans l’aile du midi du château

Les sénateurs et les députés se retrouveront à partir de 15 h 30 dans la salle des séances de l’Aile du Midi du château de Versailles. Une salle inconnue du grand public, qui sert presque exclusivement pour l’adoption des révisions constitutionnelles. Elle comprend un gigantesque hémicycle aux sièges rouge foncé, où les députés tinrent séance jusqu’en 1879, avant de revenir à Paris, au Palais Bourbon.

La construction de la salle a été achevée en 1875 pour accueillir les députés et sénateurs qui s’étaient installés provisoirement à Versailles après la Commune de 1871. Lorsque les assemblées regagnent Paris en 1879, la salle est affectée à la réunion de la Chambre des députés et du Sénat pour élire le président de la République et réviser la Constitution. De 1879 à 1953, tous les présidents des IIIe et IVe Républiques furent élus dans cette salle.

Autre spécificité de cet hémicycle : les députés et sénateurs n’y seront pas regroupés en fonction de leur appartenance politique… mais placés par ordre alphabétique en fonction de la première lettre de leur nom.

Emmanuel Macron, absent

Il sera un peu plus de 15h30, ce lundi 4 mars, quand Gabriel Attal prendra la parole devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Le Premier ministre portera l’inscription de l’IVG dans la Constitution et ce sera son visage qui symbolisera l’exécutif durant cette journée historique, pas celui d’Emmanuel Macron qui sera absent. La révision de la Constitution de 2008, régie par l’article 89 de la Loi fondamentale, ne prévoit pas la présence du chef de l’Etat, qui ne peut s’exprimer devant le Congrès qu’à l’occasion d’un débat sans vote (comme Macron l’avait fait en 2017 et 2018).  Au nom du respect du principe de séparation des pouvoirs, c’est la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui présidera le Congrès.

Une majorité des trois cinquièmes, nécessaire

Lorsqu’il est amené à se prononcer sur un projet constitutionnel (ou sur l’adhésion d’un État à l’Union européenne), le Congrès ne peut ne peut exercer le droit d’amendement. Les parlementaires ne pourront donc qu’approuver ou rejeter le texte qui leur est soumis. Réunir le Congrès pour réviser la Loi fondamentale est une option à la main du président de la République, comme alternative à la voie du référendum. Une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés est donc nécessaire lors de cette étape finale. Plus clairement, pour être admise, la révision constitutionnelle devra obtenir 555 voix, par scrutin public. Depuis 1958, sur 24 révisions constitutionnelles, 21 ont été approuvées par le Congrès.

Le 30 janvier, au Palais Bourbon, le projet de loi a été voté par 493 voix contre 30. Au Sénat, mercredi, il a été adopté à une large majorité : 267 voix pour et 50 contre. Additionnés, les votes favorables des députés (493) et sénateurs (267) offrent une large majorité à la révision avec 760 voix. D’autant que certains s’étant abstenus, comme le président de la commission des lois au Sénat, François-Noël Buffet (LR), ont confirmé qu’ils voteraient pour le projet de loi au Congrès réuni à Versailles, rapporte Libération .

Le déroulé de la séance

Les 925 membres du Parlement feront le déplacement en bus jusqu’au château de Versailles. Les services de l’Assemblée avec l’appui du Sénat ont prévu une rotation de navettes pour transporter les parlementaires depuis Paris vers le Château de Versailles (Yvelines), ainsi que les personnels indispensables pour la tenue de la séance (environ 300 selon une source parlementaire). Une centaine de Gardes républicains feront aussi le déplacement.

La présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, dont la règle veut qu’elle préside le Congrès, donnera le coup d’envoi de la séance lundi à 15 h 30. Après un discours du Premier ministre Gabriel Attal, des représentants des groupes politiques se succéderont à la tribune, dans une alternance entre groupes de l’Assemblée (il y en a 10) et du Sénat (8), “dans l’ordre décroissant de leurs effectifs respectifs“. Chaque orateur disposera de cinq minutes pour expliquer la position de son groupe en faveur ou contre l’insertion dans la Constitution d’une “liberté garantie“ de recourir à l’avortement.

Après le vote, la tradition veut que le texte adopté soit authentifié par un sceau du Congrès, apposé par un imposant appareil sous forme de balancier à vis, avant d’être transmis au gouvernement. Une cérémonie finale de scellement de la Constitution par le garde des Sceaux pourrait avoir lieu le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, en présence d’Emmanuel Macron,

Quelle couverture de l’évènement ?

LCP-Assemblée nationale et Public Sénat s’associent afin de proposer une couverture exceptionnelle de l’évènement, à partir de 14h30 et jusqu’à 19h30, Brigitte Boucher (LCP-Assemblée nationale) et Tâm Tran Huy (Public Sénat) présenteront cette édition spéciale, suivie de la séance en direct du Congrès et en intégralité. En duplex depuis le Congrès de Versailles, les deux chaînes feront vivre les coulisses de cet événement historique.

À cette occasion, la ville de Paris et la Fondation des femmes annoncent que l’événement sera retransmis sur écran géant, lundi, à partir de 15h30 sur le parvis des Libertés et des droits de l’Homme vers la place du Trocadéro.

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