Pourquoi la deuxième demande de RIP devrait être invalidée par les Sages

Le Conseil constitutionnel doit rendre ce mercredi son verdict sur la 2ème demande de RIP déposée par les parlementaires de gauche. Après le rejet par les Sages d’un premier texte, cette nouvelle version complétée change t-elle vraiment la donne ? Peut-elle aboutir ? Explications. 

C’est une décision pour le moins très attendue. Ce mercredi 3 mai, le Conseil constitutionnel se prononce sur la conformité du second référendum d’initiative partagée (RIP)  déposé par 252 députés et sénateurs de gauche, pour maintenir le seuil de l’âge légal de départ à la retraite en-dessous de 62 ans. Une première version a été invalidée par les Sages le 14 avril dernier au motif qu’elle ne répondait pas aux critères fixés par la Constitution. Conscients de la faiblesse juridique de leur demande initiale, les sénateurs de gauche avaient alors déposé, avant même son rejet, une seconde proposition.

C’est le même texte“ que la première demande“, avait précisé lors de son dépôt le président du groupe socialiste au Sénat, Patrick Kanner. Mais complété par un 2e article “qui crée un élément de réforme: une recette fiscale liée aux ressources du capital, pour sécuriser le financement de la retraite par répartition“. En ajoutant cet article additionnel, les parlementaires de gauche souhaitaient ainsi rentrer dans les clous du Conseil constitutionnel. Au sens de l’article 11 de la Constitution, le référendum doit en effet porter sur “des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent“.

La nouvelle version intègre désormais la question de financement. Il convient d’assujettir les plus-values sur titres, rachat d’actions et dividendes à des contributions d’un montant similaire aux cotisations salariales sur les retraites, et d’en prévoir l’affectation directe au système de retraites“, peut-on a lire dans l’exposé des motifs du texte. Ou encore : “Cette réforme substantielle des principes de financement de notre système de retraite permet ainsi de se rapprocher du principe légal d’une répartition équitable des contributions entre revenus tirés du travail et du capital, par un apport significatif des revenus du capital les plus élevés.“ Tout l’enjeu de ce deuxième RIP, est donc de savoir si ce second texte, notamment via l’ajout d’une ressource fiscale, peut être considéré comme une réforme au sens de l’article 11 de la Constitution ?

Des chances d’aboutir très limitées

Ce second texte censé corriger les faiblesses du premier, semble toutefois avoir très peu de chances de passer l’épreuve du Conseil constitutionnel. D’abord, pointe Marie-Anne Cohendet, professeure de droit public à l’université Paris-I Panthéon-Sorbonne, les Sages “risquent fort de considérer que cette proposition de loi référendaire ne contient pas de véritable réforme“, car à la date de la deuxième saisine, l’âge légal de départ à la retraite était à 62 ans, la nouvelle loi n’ayant été promulguée que le 15 avril.

En outre, pour nombre de constitutionnalistes, l’ajout du 2ème article ne changera en effet pas nécessairement la donne. “ Il semble que le nouveau projet ne remplisse pas les critères, au sens de la jurisprudence du Conseil“, alerte ainsi Mathilde Heitzmann-Patin, professeur de droit public à l’université au Mans. Et d’expliquer : “Le Conseil insiste sur le fait qu’il faille une réforme. Or dans une précédente décision, les Sages ont estimé que “la création d’une nouvelle taxe n’était pas une modification suffisante pour remplir le critère de réforme.

Dans une décision du 25 octobre 2022, le Conseil a en effet rejeté une autre proposition de RIP, jugeant que “ne présentait pas ce caractère [de réforme] une proposition qui visait uniquement à abonder le budget de l’Etat en augmentant le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés.

Une validation qui ne changerait pas la donne

En cas de validation de cette deuxième version, un parcours semé d’embûches s’ouvrirait alors, à commencer par la nécessité de récolter les signatures d’au moins un “dixième des électeurs favorables au référendum, soit 4,88 millions de personnes, dans un délai de 9 mois. Une gageure pour le professeur en droit public Benjamin Morel, pour qui “le référendum d’initiative partagée a été conçu pour ne jamais être utilisé.“ Même sentence de la part du député Les Républicains, Aurélien Pradié, pour qui “le référendum d’initiative partagée a été conçu pour ne jamais vraiment aboutir.

Le parcours est pour le moins est semé d’embûches. Rien ne garantit que les 4,88 millions de signatures nécessaires soient collectées et que la mobilisation contre la réforme des retraites se maintienne pendant neuf mois. Le RIP contre la privatisation d’ADP avait ainsi échoué, ne recueillant que 1,1 million de signatures.

Pendant ce délai, “le RIP ne gèle pas l’application de la loi“, rappelle le constitutionnaliste Paul Cassia. Un avis partagé par l’immense majorité de ses collègues. Pour autant, la disposition visée par la proposition de loi référendaire, le report de l’âge légal à 64 ans, ne pourrait être mise en œuvre pendant 9 mois. C’est-à-dire, le délai pour recueillir les signatures d’un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales. Très concrètement, Emmanuel macron pourrait faire appliquer sa réforme des retraites à l’été, tandis que dans le même temps la collecte des signatures serait en cours. Une situation intenable sur le plan politique. Comment imaginer en effet un scénario dans lequel le gouvernement appliquerait sa réforme, tout en laissant la gauche à la chasse aux signatures, avec le risque de remobiliser les opposants dans la rue.

 

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