Réforme des retraites : le deuxième round

 Après son passage à l’Assemblée nationale, le projet de réforme des retraites est examiné par les sénateurs à partir de ce mardi en commission, puis dès le 2 mars en séance publique. A quoi s’attendre ? Si la droite et le centre soutiennent le projet de loi, la gauche promet une opposition ferme, mais sans obstruction massive.

Après des débats chaotiques dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, et une pause parlementaire d’une semaine, le projet de réforme des retraites arrive au Sénat. Les sénateurs vont avoir 15 jours, week-end compris, pour débattre du texte. Ils l’examineront en commission dès ce mardi 28 février, puis dans l’hémicycle à partir du 2 mars. Les débats s’arrêteront le dimanche 12 mars à minuit, que l’examen du projet de loi soit ou non achevé. Si le Sénat à majorité de droite est réputé pour ses débats feutrés, la partie est loin d’être gagnée d’avance.

Un texte quasi identique à celui examiné par les députés

À quelques détails près, le texte transmis à la chambre haute est similaire à celui que le gouvernement a présenté à l’Assemblée nationale en première lecture. C’est en effet le projet de loi de l’exécutif, modifié par les amendements qui ont été votés avec un avis favorable du gouvernement par les députés, qui sera examiné les sénateurs. Quelques corrections ont toutefois été apportées à la version examinée par les députés. Elles concernent notamment l’index senior, rejeté par l’Assemblée nationale. Le gouvernement a réintégré l’article dans le texte en prévoyant qu’il concerne les entreprises de 50 salariés ou plus contre 300 et plus dans la version initiale du texte. Pour le reste,  il s’agit d’ajustements à la marge, comme la demande d’un rapport faisant converger les différents régimes de retraite, ou encore l’unification à 30% du taux de contribution patronale des indemnités de rupture conventionnelle et de départ à la retraite. Au total, quelque 4718 amendements émanant de l’ensemble des groupes sont annoncés.

De premiers amendements en commission

Les sénateurs ont approuvé mardi en commission le projet de réforme des retraites du gouvernement, dans une version modifiée. De premiers amendements, qui devront être revotés en séance comme le veut la règle applicable aux textes budgétaires, ont été adoptés mardi.

L’un, jugé essentiel par la droite, vise à accorder une “surcote“ aux mères de famille qui ont une carrière complète. Une mesure qui ambitionne de “gommer en partie les trimestres qui finalement ne compteraient pour rien“ dans le projet de loi initial du gouvernement, a expliqué Élisabeth Doineau, la rapporteure générale du texte.

Les sénateurs proposent aussi un CDI nouvelle formule, exonéré de certaines cotisations sociales, pour faciliter l’embauche des seniors. “Nous avons aussi voulu travailler sur les séniors. (…) Notamment par rapport à l’expertise que portent les anciens dans une entreprise. Nous avons proposé une boîte à outils pour permettre le maintien et l’embauche des séniors dans les entreprises“, a indiqué Mme Doineau.

De possibles évolutions

A majorité de droite, le Sénat est plutôt favorable à la réforme du gouvernement et soutient dans son ensemble le texte. Et pour cause. La première ministre Elisabeth Borne s’est directement inspirée de l’amendement que dépose depuis plusieurs années la droite sénatoriale, en repoussant l’âge légal de départ à 64 ans et en accélérant la réforme Touraine qui porte à 43 ans le nombre d’année de cotisations. Les sénateurs entendent néanmoins marquer de leur empreinte le projet de loi de loi. “Le gouvernement sait qu’il ne pourra y avoir d’accord du Sénat que s’il respecte deux lignes rouges“, a ainsi indiqué lundi à l’AFP le président des sénateurs LR Bruno Retailleau: “ne pas accumuler de déficits“ et ne pas négliger la politique familiale.

Carrières longues

La durée de cotisation pour les carrières longues devrait être un des points central du débat au Sénat. Le projet de loi initial prévoit des départs anticipés pour ceux ayant commencé à travailler avant 20 ans, 18 ans et 16 ans. Mais à la condition, pour ceux qui ont commencé à travailler avant 18 ans, d’avoir cotisé 44 années. Une partie de la droite pousse pour que cette durée de cotisation soit ramenée à 43 ans, comme pour les carrières classiques. Le gouvernement a d’ores et déjà promis de réajuster le tir en proposant de fixer la durée de cotisation à 43 ans pour ceux qui ont commencé à travailler à 15, 17, 19 et 20 ans. En revanche, la durée pour ceux ayant commencé à 14 ans, 16 ans et 18 ans, reste inchangée et fixée à 44 ans. Les Républicains au Sénat pourraient demander à faire bouger ces lignes. Un amendement de la sénatrice Laurence Muller-Bronn propose que pour “l’ensemble des niveaux du dispositif carrières longues, la condition de durée cotisée sera fixée conformément à la durée d’assurance requise pour le droit commun“, soit 43 ans à partir de la génération née en 1965.

Régimes spéciaux

Autre point en débat, la suppression au 1er septembre 2023 de cinq régimes spéciaux (RATP, Industries électriques et gazières, Banque de France, clercs et employés de notaires et Conseil économique social et environnemental). Seul article voté à l’Assemblée nationale, ces dispositions pourraient évoluer. Pour certains sénateurs, cette suppression limitée aux seuls nouveaux entrants dans le régime, n’est en effet pas suffisante.

Sur BFMTV, le ministre du travail, Olivier Dussopt s’est dit ce dimanche ouvert à l’accélération de la surpression des régimes spéciaux.Pourquoi pas“, a-t-il répondu à la question qui lui était posée. “Il faut voir comment est proposée la disposition et comment on l’articule“, a-t-il détaillé, concédant qu’il n’avait “pas de réserve“.

Carrières hachées des femmes

Un autre point qui fait débat pourrait lui aussi évoluer. Les femmes qui ont eu des enfants, devront travailler plus longtemps et risquent de perdre le bénéfice des trimestres accordés gratuitement pour la naissance et l’éducation des enfants. “Une injustice du système“ juge Bruno Retailleau dans une interview au JDD du 11 février. “Alors qu’elles contribuent à l’équilibre du régime grâce à leurs enfants, les femmes sont pénalisées par des carrières hachées. Nous proposerons que celles qui ont élevé au moins trois enfants aient le choix : travailler jusqu’à 64 ans et bénéficier d’une surcote sur leur pension, ou opter pour un départ anticipé à 63 ans“, déclare le patron des sénateurs Les Républicains (LR).

Bruno Retailleau proposait notamment “une surcote de 5% “ pour les mères de famille qui auraient une carrière complète. Un vœux qui a été exaucé ce mardi en commission, même si le vote reste à confirmer en séance. La sénatrice LR Laure Darcos a déposé elle un amendement ouvrant la possibilité aux femmes ayant eu deux enfants ou plus et qui ont atteint la durée nécessaire pour obtenir le taux plein de continuer à pouvoir partir à la retraite à 62 ans.  “Le gouvernement est ouvert aux propositions des Républicains sur des amendements à la réforme des retraites, en particulier sur la situation des femmes“, a annoncé dimanche le ministre du Travail, Olivier Dussopt.

Index senior

L’index senior rejeté par les députés, fait son retour dans le texte. Peu convaincus par ce dispositif, les sénateurs Les Républicains lui préférerait un “CDI senior“, jumelé à une baisse de charges pour les employeurs. Là encore, un voeux, qui a trouvé une traduction en commission. D’autres ajustements pourraient aussi être votés. Différents amendements ont ainsi été déposés pour encourager l’emploi des seniors.

La gauche sénatoriale opposé au texte

Opposés à la réforme du gouvernement, les sénateurs de gauche, et non de la Nupes, qui n’existe pas au Sénat, entendent néanmoins que les principaux points du texte passent en séance. Contrairement à l’Assemblée, l’article 7 sur le report de l’âge légal à 64 ans sera ainsi examiné et débattu, comme  l’assurait à Public Sénat, Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat.
Pour autant, lors d’une conférence de presse mercredi, les présidents des trois groupes de gauche du Sénat ont annoncé le dépôt vendredi 3 mars d’une motion référendaire. “L’objectif est de dire aux Français puisque c’est votre avenir qui est en cause et bien on veut vous consulter“. Cette motion sera présentée au nom des groupes socialiste, communiste et écologiste “qui la signeront“, a confirmé Patrick Kanner.

Les sénateurs de gauche ne feront quoiqu’il en soit pas d’obstruction massive. Environ 1500 amendements devraient être déposés au total par les socialistes, les communistes et les écologistes. “Il n’y aura pas d’amendements changeant une virgule ou d’amendement feuille de salade“, prévient ainsi Patrick Kanner. La stratégie a d’ailleurs suscité quelques tensions entre les sénateurs et Jean-Luc Mélenchon, qui leur a “solennellement demandé de  tout faire pour empêcher l’adoption de la retraite à 64 ans au Sénat.“ Une forme d’injonction qui a été perçue comme une « ingérence », par les sénateurs des groupes de gauche.

Ces derniers entendent néanmoins marquer de leur empreinte le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, choisi par le gouvernement pour porter sa réforme. Les sénateurs LR seront particulièrement attentifs à “la prise en compte des carrières de mères de famille, la retraite progressive, la prise en compte de la pénibilité“. “Ce seront nos grands axes“ explique le rapporteur LR du texte, René-Paul Savary.

 

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