L’Assemblée débat du droit à “une fin de vie libre et choisie“

Les députés doivent examiner ce jeudi avant minuit, une proposition de loi visant à garantir un droit à l’euthanasie. Objet de quelques 3000 amendements déposés pour la plupart par des députés LR qui revendiquent cette obstruction, le texte cristallise toutes les passions. Porté par le groupe “Libertés et Territoires“, il a peu de chance d’être adopté.

L’Assemblée nationale examine ce jeudi 8 avril, une proposition de loi “donnant le droit à une fin de vie libre et choisie“ portée par le député de Charente-Maritime, Olivier Falorni (Libertés et Territoires). Le texte ouvrirait le possible recours à une “assistance médicalisée active à mourir“, pour toute personne “capable et majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable“, ne pouvant être “apaisée“ ou jugée par elle “insupportable“.

Une avalanche d’amendements

Avant même d’être examiné, le texte suscite déjà des remous. De tous les côtés de l’hémicycle, on fustige en effet l’obstruction parlementaire dont il fait l’objet. Sur les 3000 amendements déposés , 2158 sont à l’initiative d’un quarteron de députés Les Républicains, qui pour certains d’entre eux, n’en sont pas à leur coup d’essai.

Ces mêmes députés avaient déjà utilisé cette technique classique contre une proposition de loi socialiste sur l’IVG (et notamment sur l’allongement du délai de recours) en février dernier. L’objectif pour Olivier Falorni est de mettre la pression sur le groupe LR et sur son président Damien Abad. En espérant, qu’ils retirent une partie de leurs amendements ou qu’ils s’abstiennent a minima de les défendre. “C’est une image désastreuse que renvoie le groupe LR sur un sujet très attendu, dont tout le monde parle.“

Le député Falorni a indiqué qu’il maintiendra son texte. Et ce, quitte à faire durer le débat. “Il y a 5 députés qui veulent empêcher que les parlementaires votent sur un des plus grands sujets de société qui intéresse tous les français et que 96% de nos concitoyens approuvent“, a t-il déploré mardi, à l’issue d’une conférence de presse. 272 députés ont d’ailleurs signé ce week-end dans le JDD une tribune pour réclamer un débat “digne et apaisé“sur le sujet de la fin de vie, dénonçant une méthode qui est la “négation du travail parlementaire“

Les “complotistes“ de leur côté assument cette stratégie. On les accuse de refuser le débat : ils répondent que de débat il n’y a pas vraiment. Une décision de cette ampleur mériterait un vrai texte et non une proposition de loi noyée au milieu de sept autres examinées en une journée, défendent-ils.

Pourquoi le texte a peu de chances d’aboutir?

Débattue dans le cadre d’une “niche“ parlementaire, et donc dans un temps limité à une journée, la proposition de loi du député Falorni, a ainsi peu de chances d’être votée. Le temps imparti ne devrait en effet pas suffire pour permettre d’examiner tous les amendements déposés avant le soir, et permettre de voter le texte. De nombreux parlementaires déplorent d’ailleurs qu’un tel thème de société vienne d’un groupe d’opposition minoritaire – 18 députés d’obédiences diverses – plutôt que d’un projet gouvernemental, étude d’impact et avis du Comité d’éthique à l’appui.

Manœuvre pour manœuvre, 227 partisans de l’euthanasie ont déposé un amendement de tête, qui sera discuté en premier, garantissant le cœur du dispositif :  “l’assistance médicalisée active à mourir“. Son adoption leur offrirait une victoire symbolique, à défaut de pouvoir faire passer le reste du texte, et mettrait la pression sur un gouvernement très tiède sur ce sujet. En 2017, Emmanuel Macron n’avait en effet pas pris d’engagement au cours de la campagne présidentielle concernant la fin de vie

L’exécutif s’est pour l’heure gardé de prendre position sur le sujet. En mars, avec la relance du débat sur la fin de vie, notamment avec l’annonce de la mort de l’ancienne secrétaire d’Etat Paulette Guinchard, qui a eu recours au suicide assisté en Suisse, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran avait annoncé que serait lancé dès avril “un cinquième « plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie »“ afin de mieux faire appliquer le cadre législatif actuel.

Le lourd contexte de la crise sanitaire est aussi jugé peu propice par certains. La députée et présidente du RN Marine Le Pen estime “indécent“ de rouvrir ce débat au moment où “nous nous battons pour sauver des vies“. Les parlementaires hostiles font valoir quant à eux qu’il conviendrait d’abord de mieux appliquer la loi Claeys-Leonetti actuelle, qui prévoit une sédation profonde et continue pouvant mener à la mort, mais sans euthanasie active.

Ce que prévoit la proposition de loi

Une fin de vie libre et choisie

Adopté le 31 mars dernier en commission des Affaires sociales, après des débats de près de six heures, le texte “donnant et garantissant le droit à une fin de vie libre et choisie“ comporte 8 articles. Il prévoit en son article 1er que “toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, provoquant une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable“, peut demander une “assistance médicalisée“ pour mourir “par une aide active“.

En pratique, la demande d“’euthanasie“ devrait d’abord être transmise au médecin traitant avant d’être examiné par trois médecins dont un spécialiste de l’affection du malade. Ce trio serait chargé de vérifier que le patient se trouve dans une “impasse thérapeutique.“ D’autres dispositions prévoient notamment une liberté de conscience pour les médecins, apportent des garanties sur le consentement des malades, ou encore, encadrent l’assistance médicalisée et la place des familles.

Un risque de dérive née de l’article 3

Ce texte ne propose pas un droit restreint. Si on en fait une lecture extensive, une maladie psychiatrique pourrait être considérée comme grave et incurable“, avertit le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Mais, c’est sans doute l’article 3 du texte qui suscite le plus d’inquiétudes. Il dispose que les personnes qui ne sont plus en capacité de s’exprimer puissent avoir accès à l’euthanasie à la condition que cette demande figure expressément dans leurs directives anticipées ou relayée par leur personne de confiance. “Le risque de dérives est immense et nous perdrions le droit à l’inconstance de nos désirs. Cela ouvrirait un champ considérable de patients potentiellement concernés, allant jusqu’aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer“, alerte le docteur Fourcade.

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