A moins de 100 jours de la présidentielle américaine, tous les clignotants de la campagne de Donald Trump sont au rouge. Sa cote de popularité est au plus bas. Largement distancé dans les sondages par son adversaire démocrate, le président américain apparaît fragilisé par sa gestion de la crise du coronavirus. Pour autant, un retournement de situation reste toujours possible.
Son plan était limpide. L’épidémie de Covid-19 allait régresser, l’économie repartirait et son grand meeting de Tulsa, fin juin, relancerait sa campagne. Mais rien ne s’est déroulé comme prévu. A moins de 100 jours du scrutin, le président américain, Donald Trump, est aux abois. Au point même de remanier l’équipe chargée de la bataille pour sa réélection, en nommant le 15 juillet un nouveau directeur de campagne.
Une candidature “plombée“ par le Covid-19
En moins de six mois, le “virus chinois“, comme Trump persiste à l’appeler, a complètement bouleversé le paysage politique américain. Le locataire de la Maison Blanche semble particulièrement “plombé“ par sa gestion de la crise du coronavirus. Dès le début de la pandémie, il en a minimisé les effets et a rejeté sa gestion sur les Etats. Une lourde erreur. Avec la crise du Covid-19, Donald Trump a perdu gros. Son principal argument de campagne, l’Economie, s’est écroulé. Même si des signes encourageants de reprise sont apparus en mai, près de 25 % de la population touche actuellement des allocations-chômage, et la crise économique prive le président américain de son meilleur argument en vue de sa réélection.
Confronté pour la première fois de son mandat à une crise d’ampleur, Donald Trump est sanctionné dans les enquêtes d’opinion. Car au-delà de la controverse sur le masque, c’est bien toute sa stratégie, ou plus exactement son absence de stratégie, qui est remise en question. Selon le baromètre Gallup, la cote de popularité du président américain a perdu 12 points entre la mi-mai et le 23 juillet, avec seulement 41% d’Américains satisfaits à moins de 100 jours de l’élection.
Son taux d’approbation sur le coronavirus est encore plus faible selon la moyenne des sondages de Five Thirty Eight. Seuls, 37,6% des américains approuvent la gestion par le président de l’épidémie de Covid-19.
Une réponse à nuancer toutefois selon la “couleur politique“. Les républicains approuvent largement la réponse de Trump, tandis que les démocrates ne le font pas et les indépendants se situent quelque part entre les deux.
Des mauvais sondages
Les sondages et modèles prédictifs donnent à Joe Biden une avance et une probabilité écrasante de l’emporter sur Donald Trump en novembre. À trois mois des élections, ils montrent que l’ancien vice-président, candidat du parti démocrate, a un avantage significatif sur le président républicain sortant.
À un peu plus de trois mois des élections, les sondages nationaux montrent que l'ancien vice-président Joe Biden, a un avantage significatif de près de 2 chiffres sur le président sortant #DonaldTrump https://t.co/rI6RHHgEaD pic.twitter.com/FI8j0ehcKi
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) August 3, 2020
Etats-Unis : Si l'élection présidentielle américaine de novembre se déroulait aujourd'hui, les derniers sondages suggèrent ce résultat ? pic.twitter.com/7tk0QTYqaQ
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) August 3, 2020
Biden en tête dans les « swing states »
Les chiffres les plus récents s’avèrent d’autant plus frappants qu’ils concernent les fameux “swing states“, ces états pivots dont les électeurs sont les plus indécis, et donc les plus importants dans la course à la présidentielle. Selon un sondage de Fox News révélé jeudi 23 juillet. Le président Trump a perdu du terrain dans six États de ces états remportés par le clan républicain en 2016.
The New York Times / Siena College Poll: Biden Leads Trump in Six Key Battleground States https://t.co/an3ESnj7vq
— SienaResearch (@SienaResearch) June 25, 2020
Joe Biden est ainsi donné gagnant avec une avance à deux chiffres dans le Michigan (+11 pts), en Pennsylvanie (+10 pts), et au Wisconsin (+11 pts). Mais le candidat démocrate mènerait également dans trois autres États, dont la Floride (+ 6 pts), l’Arizona (+ 7pts), et la Caroline du Nord (+ 9 pts).
La forte impopularité de Donald Trump semble même remettre en jeu d’ancienne forteresses républicaines. Les deux candidats seraient à égalité au Texas, où la dernière victoire démocrate remonte à 1948, et Biden serait même en tête en Arizona, où Mitt Romney avait gagné par près de 10 points en 2012.
Trump abandonné par une partie de son électorat
Alors que le président sortant avait remporté il y a quatre ans l’élection présidentielle grâce à la part de l’électorat blanc âgé et éduqué, son attrait dans cette catégorie démographique a chuté depuis avril. Cette dernière qui a montré des signes de désapprobation à l’égard de sa gestion de la pandémie de coronavirus, penche désormais en faveur du parti démocrate. Au niveau national, les électeurs blancs âgés de plus de 60 ans et possédant un diplôme universitaire soutiennent ainsi majoritairement les démocrates (42%) plutôt que les républicains (40%), montre un sondage Reuters/Ipsos réalisé durant les trois premiers mois de l’année. Sur la même période en 2016, cet électorat était nettement favorable aux républicains, avec 47% des intentions de vote, contre 37% aux démocrates.
Un même phénomène est observé chez les électeurs de plus de 65 ans, fidèles au parti Républicain depuis l’élection de 2014, mais qui semblent se tourner vers Joe Biden. Un sondage du New York Times donne Donald Trump perdant cet électorat par deux points, tandis que le Wall Street Journal parle même d’une différence de huit points.
Un possible retournement de situation ?
Donald Trump est-il alors condamné à perdre l’élection présidentielle de novembre ? Ira-t-il rejoindre en janvier les “présidents de quatre ans“ que furent Bush père (1989-1993) et Jimmy Carter (1977-1981), alors que la grande majorité des élus à la Maison-Blanche en ont été les locataires pendant huit ans ? Compte tenu des projections disponibles à ce jour, et des dernières tendances de l’opinion aux États-Unis ( lutte contre le racisme, la violence policière…), … la réponse devrait être “oui“.
Et pourtant, rien n’est encore joué. Après trois ans et demi de rebondissements, de nouveaux coups de tonnerre sont possibles. Conscient que l’échéance de novembre se présente mal, le président américain cherche des ajustements. Suggérant même dans un tweet la semaine passée, un report de l’élection présidentielle qui a semé le trouble. Déplorant par anticipation une généralisation du vote par correspondance pour cause de pandémie de Covid-19, dont il juge sans preuves qu’il favorise la fraude, le président américain a assuré que “2020 sera l’élection la plus INEXACTE et FRAUDULEUSE de l’histoire. Ce sera un grand embarras pour les Etats-Unis. Repousser l’élection jusqu’à ce que les gens puissent voter correctement, de manière sûre et sécurisée ???“
With Universal Mail-In Voting (not Absentee Voting, which is good), 2020 will be the most INACCURATE & FRAUDULENT Election in history. It will be a great embarrassment to the USA. Delay the Election until people can properly, securely and safely vote???
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) July 30, 2020
L’avance de Biden n’est en outre pas insurmontable. Comme le souligne FiveThirthyEight, l’histoire a prouvé que des retournements de situation étaient possibles. Hillary Clinton a ainsi compté jusqu’à 20 points d’avance sur Trump au printemps 2016 et le devançait encore de 8 points trois semaines avant le scrutin. Mais la démocrate a perdu son avance dans la dernière ligne droite. D’autres précédents existent. En 2000, George Bush menait ainsi très largement la course au début de l’été (8 points d’avance) avant de finalement perdre le vote populaire.
Présidentielle américaine : pourquoi Donald Trump n'a pas encore perdu https://t.co/fe7Ixtzb4k pic.twitter.com/HnSwymOHb8
— Le JDD (@leJDD) July 17, 2020
Pronostiquer une élection aux Etats-Unis est par ailleurs beaucoup plus complexe qu’en France. Les citoyens américains élisent leur président, non pas au suffrage universel direct mais via le collège électoral, avec une bataille état par état, pour choisir leurs grands électeurs. Et si les sondages nationaux sont en général assez fiables, les études régionales ont connu d’importants ratés en 2016 aux niveaux de leurs échantillons. Cette année, certains sondeurs ont ajusté le tir mais “de nombreux instituts ne l’ont pas fait“, surtout les plus petits, selon Courtney Kennedy, directrice des études à l’institut Pew Research.
Enfin d’ici au 3 novembre, l’écart va encore nécessairement fluctuer, surtout cette année. Trump peut-il déstabiliser Biden lors des débats ? Quel impact le Covid-19 aura t-il sur la participation si une deuxième vague déferle sur tout le pays ? L’économie américaine aura t-elle amorcé sa reprise ? Autant de questions décisives qui pour l’heure restent sans réponse.